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lundi 30 décembre 2013

L'âge de l'Eglise de Pergame 10 et fin.

Apocalypse 2 : 16  Repens-toi donc ; sinon, je viendrai à toi bientôt, et je les combattrai avec l’épée de ma bouche. 17  Que celui qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux Églises : A celui qui vaincra je donnerai de la manne cachée, et je lui donnerai un caillou blanc ; et sur ce caillou est écrit un nom nouveau, que personne ne connaît, si ce n’est celui qui le reçoit.

Les termes de la conclusion pour l’âge de Pergame mettent en relief sa nature. Dans les âges précédents, le judaïsme était encore prépondérant, mais cela est désormais terminé dans cet âge-ci. L’esprit romain s’est diffusé dans les mentalités et les mœurs, comme en témoigne la récompense destinée aux chrétiens vainqueurs, le caillou blanc.

A quoi fait allusion le «caillou blanc» d’Apocalypse 2 : 17 ? C'est très discuté: on a pensé au niveus lapillus par lequel les Jurés romains exprimaient leurs votes d'acquittement (Ovide).  Si le caillou blanc sortait, le condamné était pardonné et ce caillou lui servait de preuve. Si c'était un noir, il était condamné. Le caillou blanc représentait la justification, l'innocence et la victoire. Cela pouvait aussi représenter le caillou de victoire pour les vainqueurs lors d'une compétition sportive. Celui qui gagnait lors d'un jeu, recevait un caillou blanc avec son nom écrit dessus (l'ancêtre de nos médailles sportives), ce caillou leur permettait de vivre toute leur vie aux crochets de la société, qui payait toutes leurs dépenses. En regardant aux différentes utilisations de ce caillou, nous pouvons comprendre ce que le Seigneur donne, lorsque le vainqueur reçoit ce caillou. Le Seigneur rappelle également que le salut est le résultat d’un engagement personnel où l’acte collectif n’a pas sa place. Il ne suffit donc pas de se conformer selon les habitudes du moment, mais réellement faire la démonstration que Dieu est bien vivant en soi. C’est une autre manière de condamner le nicolaïsme qui vise aux conversions de masse, mais finit par mêler le paganisme au christianisme. Mais pour le vainqueur individuel est réservé ce qui est caché, la manne céleste dont Jésus lui-même définit la nature et sonne comme une réponse divine à toutes les dérives de l’âge de Pergame, comme le patriarcat ou l’eucharistie.

Jean 6 : 44  Nul ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire ; et je le ressusciterai au dernier jour. 45  Il est écrit dans les prophètes: Ils seront tous enseignés de Dieu. Ainsi quiconque a entendu le Père et a reçu son enseignement vient à moi. 46  C’est que nul n’a vu le Père, sinon celui qui vient de Dieu ; celui-là a vu le Père. 47  En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi a la vie éternelle. 48  Je suis le pain de vie. 49  Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et ils sont morts. 50  C’est ici le pain qui descend du ciel, afin que celui qui en mange ne meure point. 51  Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement ; et le pain que je donnerai, c’est ma chair, que je donnerai pour la vie du monde.


Les dates importantes de l’âge de Pergame

313 DÉBUT DE L’ÂGE DE PERGAME
313 à 337 Règne de Constantin

337 Mort d’Arius. Théologien à l'origine de l’hérésie qui porte son nom : l'arianisme.

339 Mort d’Eusèbe de Césarée. Il est l'auteur de nombreuses œuvres historiques. Proche de l'empereur romain Constantin, il le présentera faussement comme un saint.

356 Mort d’Antoine d’Égypte, fondateur de l'érémitisme chrétien et considéré comme le père des moines

367 Mort d’Hilaire de Poitiers. Il a été désigné par le titre d’« Athanase de l’Occident » et élevé au rang de docteur de l'Église. Martin le rejoint dans les années 356, se mettant à son école, ils lutteront âprement contre l’arianisme.

371 Né en Hongrie en 316, Martin devient évêque de Tours en 371 et meurt en 397. Considéré comme l’apôtre des Gaules, il représentera l’ange de l’âge de Pergame.

395 Mort de Théodose Ier le Grand, dernier empereur à régner sur l'Empire romain unifié, qui est définitivement partagé en deux : l'Empire d'Orient et l'Empire d'Occident.

420 Mort de Jérôme de Stridon. C’est un moine, traducteur de la Bible, docteur de l'Église et l'un des quatre pères de l'Église latine. Sa traduction de la Bible constitue la pièce maîtresse de la Vulgate.

476 Fin de l’Empire romain d’Occident.

511 Mort de Clovis, premier roi des Francs.

565 Mort de Justinien 1er. Empereur byzantin qui tentera de restaurer l’empire.

606 FIN DE L’ÂGE DE PERGAME



Nous voici arrivé en fin d’année et je vais faire un break dans l’étude des âges des Eglises. Tout ceci n’étant pas prévu il me faut du temps pour compiler les données historiques et en faire la synthèse pour les mettre en phase avec les Églises de l’Apocalypse. Car plus on avance dans le temps et plus la documentation est nombreuse et il faut du temps pour trier cette masse d’informations. Plutôt que d’aller vers des résumés trop rapide, je reviens à la fonction première du blog qui est le commentaire de l’actualité eschatologique, tout en poursuivant en toile de fond mes recherches sur l’âge de Thyatire. Quand ce sera terminé je mettrai le tout en ligne.

samedi 28 décembre 2013

L'âge de l'Eglise de Pergame 9

Le clergé régulier ou l’antinicolaïsme.

Le clergé régulier ne naît pas spontanément comme une réponse au nicolaïsme, il est le résultat d’une évolution de plusieurs siècles. Étymologiquement, le moine est celui qui vit seul, isolé, retiré de tout commerce avec le reste de l'humanité ; c'est un ermite, un anachorète qui place toute son existence sous le signe de la prière et du service de Dieu. Il trouve son origine dans la mise en application d'une parole de Jésus : Si quelqu'un veut être mon disciple, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive. Le protomonachisme (du grec protos, « premier », et monachos « solitaire », « célibataire ») naît au IIIe siècle en Égypte où se développe essentiellement un érémitisme dans le désert, trouvant probablement son origine dans des communautés réfugiées dans le désert au temps de la persécution de Dioclétien. Il se développe également en Syrie et en Mésopotamie araméophones où le monachisme communautaire est plus urbain ou villageois. Le monachisme connaît un véritable premier essor au IVe siècle. Certains chrétiens se réfugient dans le « désert » pour échapper au monde, mais aussi pour s'opposer au pouvoir des potentats locaux tel Siméon le Stylite (392-459), qui vécut plusieurs décennies sur une colonne en Syrie. Petit à petit, certains d’entre eux, tels qu’Antoine (251-356), rassemblent des disciples autour d’eux, et forment des communautés de semi-anachorètes (ermites). Pacôme le Grand (286-346) fonde des communautés cénobites (du grec koinos bios, « vie commune »), avec un supérieur à leur tête. Ces moines joueront un grand rôle dans la lutte contre le paganisme. Comme ils voyagent beaucoup (moines gyrovagues), ils exercent une grande influence sur l’opinion publique. Par leur ascétisme et leur mépris du monde, ils constituent un idéal de vie pour le peuple et sont considérés comme les médiateurs par excellence avec Dieu, surtout que par certains moines célèbres s’opéraient de nombreux miracles. Les moines sont d’autant plus respectés que le prestige du clergé séculier est bas et se dégrade constamment.

Cependant, il ne faut pas considérer les premiers moines chrétiens comme ceux d’aujourd’hui, car à terme le clergé régulier sera aussi rattrapé par l’adversaire qui en modifiera la structure et la mentalité religieuse, pervertissant en cela ce qui motiva sa venue. Dans le vocabulaire courant, le terme de 'moine' a pris une autre signification ; il désigne tous les ascètes qui se séparent de l'ensemble de l'humanité, même s'ils vivent en communauté fraternelle avec d'autres qui ont choisi le même style de vie consacrée à Dieu dans une quasi mortification. La séparation d’avec les laïcs, stérilise alors l’action des moines, c’est comme si le diable les avait isolé comme des virus et mis en quarantaine religieuse. Si Satan a agi ainsi, c’est que beaucoup de ces premiers moines vivaient comme de vrais saints et étaient perçus comme tels.

Le monachisme chrétien prend un essor considérable au quatrième siècle, comme une réponse à la sécularisation des évêques. Le moine sera donc le dernier reste parmi les clercs à conserver la flamme de l’Esprit Saint allumée. L'idéal de vie monastique entre dans l'histoire avec celui qui allait devenir Antoine d’Égypte (251-356), « le père des moines ». Athanase d'Alexandrie dressera sa biographie quelques années seulement après la mort d'Antoine, qui mourut plus que centenaire, en 356. Athanase présente Antoine comme un paysan égyptien de condition modeste, qui, alors qu'il était encore un homme jeune venant d'hériter de quelques biens, entra dans une église et y entendit cette parole : Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, puis viens et suis-moi. Chrétien de naissance et déjà pieux, il sortit de cette église et obéit sur-le-champ à cette parole de Jésus-Christ. Puis il se retire dans le désert, en prenant au sérieux le conseil de l'évangile ; il ne sortit que deux fois de son 'désert' pour se rendre à Alexandrie, une première fois pour soutenir les chrétiens persécutés sous Dioclétien - s'exposant ainsi lui-même au martyre - et une seconde fois pour soutenir la hiérarchie alexandrine en butte à la campagne arienne. Dans son désert, il devait mener une vie héroïque, faite de renoncement à lui-même, beaucoup plus que de renoncement aux conditions de confort ou de nourriture ; l'idéal qu'il développe réside dans la maîtrise de ses propres passions, en luttant contre toutes les formes du mal, car le désert apparaît très vite comme le lieu de la tentation suprême. Pour résister, le moine Antoine ne peut que s'en remettre aux conseils évangéliques qu'il veut réaliser dans leur littéralité même, et vivre dans la plus grande ascèse. Mais, pour le moine chrétien, l'ascèse n'est pas et ne sera jamais un but à atteindre, mais une préparation à la rencontre de Dieu, dans une expérience de prière et de méditation de l'Écriture. Si le moine se retire du monde, il ne se sépare pas de la vie de l'Église ; la sainteté à laquelle il aspire lui procure un rayonnement tel que les foules viennent le visiter, afin d'obtenir de lui des conseils, des secours dans la prière et parfois même des guérisons corporelles. La sainteté est contagieuse... et rapidement des hommes viennent s'installer aux côtés d'Antoine pour imiter son style de vie et pour rayonner l'idéal qu'il propose dans l'ensemble de l'Église. Ainsi, du vivant même d'Antoine, le monachisme va se répandre, en prenant des formes très diverses.

Le style de vie adopté par les disciples d’Antoine comportait des dangers d'ordre spirituel, puisqu'il pouvait favoriser un très grand individualisme, ou d'ordre purement matériel, quand le nombre de moines réunis autour d'un ancien devenait trop élevé. C'est Pacôme de Tabennèse (292-346) qui sera à l'origine d'une nouvelle forme de vie monastique, en insistant davantage sur l'aspect de la vie communautaire : le cénobitisme. La communauté reçoit de son fondateur une structure, une règle, qui lui permet de rythmer sa vie selon les conseils évangéliques et selon la spiritualité particulière de son fondateur ; cette communauté s'organise pour assurer sa propre subsistance, en utilisant les capacités propres à chacun des moines.

L'Occident romain allait découvrir le monachisme, d'une part au cours des exils d'Athanase d'Alexandrie, et d'autre part grâce à Jérôme de Stridon (347-420), qui après quelques années de désert, était venu se fixer auprès du pape Damase. Il fit connaître à l'Église romaine l'idéal monastique et ascétique, non sans que cette découverte ne suscite des réticences et des polémiques. Jérôme dut quitter Rome et il se retira en Palestine, à Bethléem, en demeurant lié à une communauté de femmes décidées à vivre elles aussi selon l'esprit monastique. Durant les 34 dernières années de sa vie, Jérôme se consacre à composer un texte latin de l'ancien et du Nouveau Testament qui soit plus fidèle aux manuscrits originaux grecs et hébreux. Sa traduction de la Bible constitue la pièce maîtresse de la Vulgate. Cette mise à l'écart de Jérôme n'empêcha pas le monachisme de se propager dans tout l'Occident, puisque Martin de Tours fonda, lui aussi, une communauté monastique, en Gaule, à Ligugé.

Benoît de Nursie (480-547), plus connu sous le nom de « saint Benoît » pour les catholiques et les orthodoxes, est le fondateur de l'ordre bénédictin et a largement inspiré le monachisme occidental ultérieur. Il est considéré par les catholiques et les orthodoxes comme le patriarche des moines d'Occident, à cause de sa Règle qui a eu un impact majeur sur le monachisme occidental et même sur la civilisation européenne médiévale. Benoît était issu d'une famille noble romaine chrétienne qui le nomme Benoît, prénom chrétien signifiant bénédiction. Ses parents l’envoient  étudier à Rome, qui était alors encore une ville importante. La vie romaine choque rapidement Benoît, qui décide de fuir afin de pouvoir se consacrer entièrement à la Bible. Le motif de son départ est la peur de « tomber dans l'abîme des vices » de l'ambition et de la sensualité. Su fuite le conduira dans le désert à Subiaco, pour y mener une vie érémitique. Dans le récit de Grégoire le Grand, Benoît ne part plus pour fuir le vice, mais « plus avide de souffrir les maux de ce monde que de jouir de ses louanges, d'endurer les travaux pour Dieu plutôt que de s'élever par les faveurs de la vie ». Pendant trois ans il vivra isolé dans une grotte, nourri juste par des clercs du lieu. Alors qu'il vit retiré dans sa grotte, de nombreuses personnes décident de le suivre et veulent mener la même vie que lui. Il quitte sa grotte et décide de s'installer à Subiaco avec ses disciples. Il répartit les moines par maisons, qui ne peuvent pas avoir plus de douze habitants. Dès que ce nombre est atteint, une nouvelle maison est fondée. Benoît insiste sur la nécessité de l'humilité plutôt que sur les mortifications.

Sa piété et sa renommée attirent de plus en plus de personnes auprès de Benoît, au point qu'un des prêtres de la région, Florentius, jaloux de son influence, cherche à en diminuer l'éclat : il calomnie Benoît, puis interdit à ses paroissiens d'aller le voir. Afin de tenter de réduire son influence, il envoie des femmes païennes nues danser aux abords des monastères afin d'accuser les moines. Florentius envoie enfin un pain bénit empoisonné à Benoît, pratique traditionnelle appelée l'eulogie. Benoît qui a apprivoisé un corbeau, propose le pain au corbeau, qui refuse de le prendre. Devant l'hostilité de Florentius, Benoît décide de partir et de quitter Subiaco avec quelques moines, laissant au frère Maur la charge des moines restants. Au moment de son départ, Benoît apprend le décès subit du père Florentius, et pleure pour son ennemi. Il ne change pas de décision et décide quand même de quitter les lieux. Cet épisode de sa vie souligne la profonde différence qui existait entre le clergé séculier et régulier.

Benoît et ses compagnons partent en direction du Sud, dans une région plus aride et alors moins chrétienne pour s'installer au lieu-dit Cassino, le Mont Cassin, d’où les moines partent pour prêcher aux habitants des alentours afin de favoriser la diffusion du christianisme. Le bois où ils habitaient faisait l'objet de culte et dévotions aux anciens dieux et où il y avait aussi un ancien temple d'Apollon et de Jupiter. Lors de la construction de leur abbaye, des murs s'effondrèrent à plusieurs reprises. Des manifestations démoniaques se produisent, selon la biographie de Benoît, et c'est après la découverte et la destruction des idoles trouvées sur place que ces manifestations disparaissent. Avec les anciennes pierres des temples, les moines élèvent une chapelle dédiée à Martin de Tours.

Benoît organise progressivement la vie des moines, donnant naissance à la Règle bénédictine. Il insiste pour que la vie des moines soit tournée vers Dieu : « Qu'on ne mette rien, absolument rien, avant le Christ qui daigne nous conduire à la vie éternelle ». C'est là qu'il entreprend la construction du futur berceau de l'ordre bénédictin. Astreints à la lecture et au travail manuel, les moines doivent se consacrer au service de Dieu qui culmine dans l'office divin. Ainsi les trois pôles de la vie monastique, la prière, le travail, et la lecture, deviennent un moyen pour se consacrer au service de Dieu. D'où la célèbre devise bénédictine, qui n'apparaît pourtant pas dans la Règle : Ora et labora (prie et travaille, en latin). Cette vie monacale est l’antithèse parfaite du clergé séculier et fixe désormais par des règles précises un style de vie chrétienne, qui forme le clergé régulier. La Règle bénédictine aura une influence considérable sur le monachisme en Occident et dans le monde, ainsi que sur toute la vie intellectuelle du christianisme. Mais le renouveau chrétien du haut Moyen Âge ne sera pas l’œuvre des bénédictins, qui déclineront même pendant un certain temps avant de retrouver une certaine influence religieuse.

A cause des invasions et des guerres en Italie, l’abbaye du Mont Cassin est pillée, saccagée et brûlée en 589 par les Lombards du duc Zotton de Bénévent, un païen. On mentionne 80 moines mis à mort par les Lombards pour avoir refusé d'adorer une tête de chèvre et manger des chairs consacrées aux dieux germaniques. La plupart des moines qui purent échapper au massacre se réfugièrent à Rome où le patriarche Pélage leur permit de bâtir un monastère près de Saint-Jean de Latran. Désormais la tête et le corps de l'ordre se tinrent à Rome pendant 130 ans, devenant un outil religieux entre les mains du clergé séculier romain qui voit là un excellent moyen de restaurer son image vacillante. Ce n’est donc pas les moines bénédictins soumis au clergé séculier de Rome qui restaureront l’image du Christ dans la chrétienté occidentale. Cela viendra d’un groupe de moines très détaché d’un clergé désormais totalement fondu dans le monde.

Le christianisme celtique.

La fin de l'Empire romain et le début du haut Moyen Âge virent une diminution importante de la population et la taille des villes se réduisit fortement. Rome passa ainsi de près d'un million d'habitants au IIIe siècle à environ 30 000 à la fin du VIe siècle. Les temples romains furent convertis en églises chrétiennes tandis que d'autres constructions et monuments furent utilisés comme sources de matériaux de construction. L'apparition de nouveaux royaumes entraîna à l'inverse une croissance démographique dans les villes choisies capitales. La dépopulation, la désurbanisation et les migrations de l'Antiquité tardive se poursuivirent durant le haut Moyen Âge et les envahisseurs barbares fondèrent de nouveaux royaumes sur les territoires de l'ancien Empire romain d'Occident désormais totalement fragmenté. Les grandes migrations germaniques feront retomber des régions entières dans le paganisme.

Autant l’ancien Empire est-il désormais fragmenté, autant l’était l’Église au VIème siècle. Le clergé séculier étant incapable de résister à l’effondrement d’un Empire auquel il s’était totalement intégré, il s’effondrera avec lui et son influence diminuera fortement. Le paganisme reprendra de plus belle sous l’administration d’un clergé séculier privé de la puissance de l’Esprit Saint. La qualité du clergé séculier étant détestable, surtout dans les paroisses rurales qu’ils avaient délaissées. Les populations sans guide spirituel de valeur, mêlèrent le paganisme à leurs pratiques chrétiennes anciennes, dénaturant par là tout le message des Evangiles.

Cependant une île, à cause de son isolement et l’absence de grandes villes, sera négligée par les rois barbares, c’est l’Irlande. Préservés de l’influence néfaste de l’Église de Rome et de son patriarche, des moines de grande valeur sauront y conserver un reste de christianisme qui ne sera pas corrompu par le clergé séculier, à l’instar des îles voisines qui seront évangélisées sous le patronage romain. Des textes renseignent sur les méthodes d'évangélisation de l’Angleterre par Augustin de Cantorbéry († 604), le prieur du couvent du mont Caélius une des sept collines de Rome, envoyé par Grégoire Ier à la fin du VIème siècle. Les instructions de Grégoire disaient de ne pas détruire les temples païens, d'y dresser des autels et d'y placer des reliques, de permettre de célébrer à la même date les festivités chrétiennes sous une forme différente là où les populations avaient coutume d'offrir des sacrifices à des idoles. Ce que l’Église de Rome recherchait, s’était surtout l’appui des souverains qui se convertissaient, eux-mêmes recherchant celui de l’Église afin de garder le contrôle du peuple. Tout ceci étant de la politique et n’ayant plus rien à voir avec une évangélisation sur le modèle apostolique originel. Les livres d’Histoire, présentent pourtant cela comme l’évangélisation des îles britanniques, mais servit surtout l’image de l’évêque de Rome qui avait tendance à disparaître dans les oubliettes de l’Histoire.

Selon le même principe, l'Irlande aurait été christianisée en une seule fois, par un seul personnage, Patrick d’Irlande (Maewyn Succat 385 – 461), envoyé par l’évêque de Rome Célestin. Comme d’habitude le clergé séculier rechercha l’appui des puissants pour favoriser l’essor du christianisme. Cependant, dépourvus de villes, les pays celtiques comme l’Irlande ne peuvent imiter le mode d'organisation répandu dans les pays romanisés (une communauté urbaine, groupée autour d’un évêque) et l’évangélisation initiée par le clergé séculier disparaîtra avec lui après la mort de l’évêque Patrick et sera donc un échec. Considérer Patrick comme l'évangélisateur de l'Irlande et comme le fondateur du christianisme irlandais est un pur mythe inventé par le catholicisme romain qui en a fait un saint. Patrick est lié à l’histoire de l’Église romaine et de ses évêques citadins, non à celle du christianisme celtique et de ses monastères ruraux. Les abbés irlandais ne se réclameront d’ailleurs jamais de Patrick. Il n’y a pas de lien direct entre Patrick, aujourd’hui saint patron de l’Irlande catholique et la chrétienté celtique totalement indépendante vis-à-vis des évêques continentaux, qui se contentent de s’aligner strictement sur le dogme défini par les conciles œcuméniques. Ainsi les tentatives d’évangélisation du clergé séculier romain se solderont presque toujours par des échecs.

Pour évangéliser les régions celtes, il faut s’adapter au mode de fonctionnement de la société celte. Le christianisme celtique sera donc rural et sans évêque et donc n’ayant pas de clergé séculier, mais uniquement des moines et des ermites. Chaque abbé (ou chaque ermite) est totalement indépendant. On ne peut donc parler d’« Églises » comme dans les pays romanisés. Il s’agit ici de communautés indépendantes, non d’un appareil centralisé, non plus d’une communion hérétique ou schismatique. C’est tout simplement le modèle de développement de la société celte qui favorisera un « christianisme celtique » proche de celui du christianisme apostolique.

Le christianisme celtique apparaît au Ve siècle, connaît son apogée au VIIe siècle, et s’éteint au XIIe siècle avec le développement urbain. Il est d’abord circonscrit aux terres peu ou pas du tout romanisées, et vierges d'invasions germaniques (ouest de la Bretagne insulaire, ouest de la Bretagne armoricaine, Irlande). La Bretagne armoricaine présente une figure originale, au sein du christianisme celtique. Elle n’a pratiquement pas de monastères. Des ermites s’isolent, chacun en un site privilégié. Chacun a la charge d’un certain nombre de familles, elles-mêmes dispersées. Ainsi se forme la paroisse rurale (le plou, du latin plebs, le peuple). L’esprit celte est religieux. Hanté d’absolu, ne marchandant pas son engagement, le Celte est peu porté sur l’analyse, et goûte peu les querelles byzantines. Il refuse tout compromis. Sa foi est tout d’une pièce. Intransigeant, austère, extrême, il trouve sa voie dans l’ascétisme. Le christianisme celtique est héroïque.

Dans le courant proprement « chrétientés celtiques », la figure la plus ancienne que l’on connaisse est celle d’Illtud de Llantwit (450 – 522) et peut être considéré comme le père des chrétientés celtiques. Ildut fonde le monastère de Llanilltud, devenu Llantwit Major par la suite en anglais, dans le Glamorgan au sud du Pays de Galles. Ce monastère était l'un des plus illustres de la Bretagne insulaire, tant par la qualité de la formation spirituelle qu'on y dispensait que par l'étendue de la culture littéraire, biblique et même agronomique de ses moines. Le lieu devint ainsi une école recherchée pour l'aristocratie bretonne de l'époque. Quelques années plus tard, plus à l'ouest, dans le royaume de Deheubarth, Ildut fonde l'école monastique d'Ynys Bŷr (aujourd'hui, île de Caldey). On attribue à Illtud la formation de nombreux missionnaires, qui vont accomplir la pérégrination, voyage initiatique par-delà les mers, dans la tradition celtique. Depuis Ynis Byr, ils s’égaillent dans tout le pays de Galles, vers le Kernow et la Bretagne armoricaine, pays qui depuis toujours pratiquent de nombreux échanges par voie de mer. Seule l’Irlande, où le druidisme redevenu vivace, se montre rétive à toute approche par le sud-est. Eanna (Enda), disciple d’Illtud, décide alors d’essayer par l’ouest.

Enda d’Aran (mort en 530) et ses onze compagnons prennent la mer pour aller fonder dans les îles d’Aran, à l’ouest de l’Irlande, le monastère de Killeany (490). Le monastère de Killeany est considéré comme la première fondation monastique irlandaise. De là, les moines de Killeany réussissent enfin à pénétrer dans l’île d’Irlande et entreprennent de l’évangéliser à nouveau, ne trouvant plus de trace de structures laissées par l’évêque Patrick. L’Irlande va alors rapidement se couvrir de monastères, comme par exemple Clonard (520) à l’est, Clonmacnoise (545) au centre, et Bangor (559) au nord-est. Enda est considéré comme le père du monachisme irlandais.

Grâce au développement du monachisme irlandais, le christianisme progressera réellement dans la population. Notamment grâce des moines missionnaires comme Colomba d’Iona (521 – 597). Colum(b) Cille en gaélique irlandais (c'est-à-dire « Colombe de l'église »), qui fut un missionnaire irlandais qui aida à réintroduire le christianisme en Écosse et dans le nord de l'Angleterre. Il entre à l’Abbaye de Clonard sous la direction de Finian puis fonde plusieurs écoles et monastères en Irlande : à Derry en 545, Durrow en 553 et Kells en 554. Il établit un nouvel ordre monastique dont la principale communauté s'installera sur l'île d’Iona en 563, ancien lieu sacré des druides, située au large de l'île de Mull et il en fait une plaque tournante de ses missions et interventions, tant au royaume de Dal Riada que chez les Pictes.

Ainsi, à la fin de l’âge de Pergame, on peut considérer que la flamme de l’Esprit Saint c’était pratiquement éteinte sur le continent du fait des pratiques du clergé séculier et que les seuls vestiges d’un christianisme apostolique subsistaient encore dans les îles britanniques et plus précisément en Irlande. Ailleurs en Occident, selon les historiens spécialistes de cette époque, le christianisme se trouve dans un bien triste état de désolation. Seules les villes peuvent encore prétendre être  chrétiennes, mais selon le concept religieux du clergé séculier du moment. L’évangélisation n’étant pas la préoccupation majeure de l’épiscopat, seule la tradition sans enseignement est maintenue. Soit une messe en latin, conduite dans une église par un prêtre séculier très peu formé et parfois corrompu. Le monachisme existe, mais anecdotique et décadent. Les moines bénédictins ayant vu leur monastère du Mont Cassin détruit par les Lombards. Sont réfugiés dans le palais du Latran, attendant leur heure. Proches de l’évêque de Rome depuis Grégoire le Grand, ils constituent son « armée », à toutes fins utiles. Le réveil religieux occidental ne viendra donc pas du clergé séculier et encore moins de Rome. C’est une petite troupe de moines irlandais entraînés par Colomban, qui évangélisera à nouveau les campagnes païennes et redonnera un nouvel élan à l’Église dans l’âge qui suivra, celui de Thyatire.

Comme on peut le constater, le Seigneur sut garder dans sa main un reste fidèle qui se réfugia dans un monachisme salutaire, qui permit aux laïcs de conserver un véritable contact avec Jésus Christ. Bien sûr il y eut d’autres hommes remarquables qui se distinguèrent dans l’âge de Pergame et je ne peux être exhaustif tant le sujet est vaste. Mais quelques recherches rapides sur internet consolideront les connaissances de ceux qui ont à cœur de parfaire leurs connaissances. Cependant, malgré ces hommes admirables, le haut Moyen Âge verra le christianisme reculer de plus dans les campagnes, pour pratiquement revenir au paganisme d’antan.

jeudi 26 décembre 2013

L'âge de l'Eglise de Pergame 8

Clovis et la fin du paganisme gaulois.

Sous les coups de boutoir des barbares germaniques, l’Empire d’Occident va se disloquer et disparaître à la fin du Ve siècle. À partir de maintenant, c’est dans les royaumes germaniques que le clergé séculier occidental développera son influence. Les évêques vont alors principalement diriger leur action dans la direction des souverains qui sauront conserver leur autorité religieuse. Mais il s’agira là plus de politique que de religion.

Outre le paganisme, le clergé devait lutter en permanence contre les hérésies qui minaient le message initial de l’Évangile. On avait vu que Martin de Tours et Hilaire étaient de fervents combattants du Christ quant à la lutte contre l’arianisme. Cette hérésie sera d’ailleurs celle contre laquelle luttera le plus l’Église occidentale véritable, car loin d’avoir été éradiquée sous Constantin, elle fut plutôt favorisée par lui. Car les peuples germaniques et goths furent évangélisés par l'évêque arien Ulfilla mandaté par Constantin et c’est par les Germains que l’arianisme reviendra en force. L'arianisme était d'ailleurs le courant chrétien dans lequel Constantin fut baptisé sur son lit de mort et il fit élever ses fils dans cette religion.

Sur le territoire de l’ancien Empire romain d'Occident, qui disparaît en 476 avec le dernier empereur romain, se sont installés différents peuples germaniques. Presque tous sont ‘chrétiens’, du courant arien ; cela montre la portée limitée de la condamnation de l’hérésie arienne prononcée au concile de Nicée (325). Parmi ces peuples les Vandales sont en Afrique du Nord, des Wisigoths en Espagne et dans le sud de la France, des Ostrogoths en Italie ou encore des Burgondes. L'arianisme servait notamment de facteur identitaire à ces populations, qui essayaient d'éviter la fusion avec les Romains, bien entamée par le fait que les fils de chefs étaient fréquemment enlevés et éduqués à Rome. Par contre, les Francs, qui se sont installés dans le nord de la Gaule ainsi que les Anglo-Saxons qui ont envahi la Bretagne sont païens.

L’arianisme sera presque toujours le passage préféré des rois vers le christianisme, car cela les arrange beaucoup et n’a rien à voir dans le fond avec le message évangélique, comme le démontre l’attitude des Germains dans l’âge de Pergame. Parmi ces peuples barbares, un peuple va se détacher pour radicalement changer les choses, les Francs. Ils constituent une ligue de peuple germanique qui, bien qu'ayant établi un fœdus avec l'empire, sont restés païens. Ils partagent avec les autres tribus de Germanie le culte des Ases desquels les familles royales sont censées descendre. De ce fait, les rois barbares ont une origine sacrée faisant d'eux à la fois des chefs de guerre, mais aussi des détenteurs d'un pouvoir spirituel. Aussi, lorsqu'un chef barbare se tourne vers le christianisme pour tenter un rapprochement avec les populations autochtones romanisées, il opte plutôt pour l'arianisme, qui permet au roi de s'identifier au Christ surhomme et de devenir le chef de l'Église, et ainsi conserver son pouvoir religieux. Le roi barbare concentre ainsi les pouvoirs de chef de guerre (ou roi d'armée : heerkönig), chef d'État et chef de l'Église entre ses mains, reproduisant un césaropapisme à la mode constantienne. Dans ce contexte troublé, un nouveau roi s’extraira qui par sa conversion donnera un nouvel élan au christianisme occidental, Clovis, le roi des Francs.

Le nom de Clovis vient de Chlodowig, « illustre dans la bataille ». L'appellation du roi franc dérive ensuite de, « Clovis » en « Clouis », dont est né en français moderne le prénom Louis, porté par dix-huit rois de France qui peuvent ainsi se prévaloir du premier roi Franc. Toute sa vie, Clovis s'efforça d'agrandir le territoire de son royaume, avant que selon la tradition germanique ses enfants se le partagent. Peu à peu, Clovis conquiert la moitié septentrionale de la France actuelle : il s'allie d'abord aux Francs rhénans et avec les Francs de Cambrai dont leur roi Ragnacaire est probablement un de ses parents. Pour cela, il n'hésite pas à éliminer tous les obstacles : il fait assassiner tous les chefs saliens et rhénans voisins, certains de ses anciens compagnons, et même certains membres de sa famille, même éloignés, afin de s'assurer que seuls ses fils héritent de son royaume. Dans l’esprit il est un digne successeur de Constantin. Cette brutalité n’est seulement guerrière comme on pourrait le penser, mais relève également des croyances religieuses païennes. Au combat, le roi-prêtre Franc s'exposait à la vue des adversaires, action vue comme preuve d'une grande hardiesse. Seul cavalier de la troupe, il chevauche une monture blanche afin de se rendre mieux visible de ses ennemis. Souverain sur le plan temporel et spirituel, il est sacré par la diffusion du charisme (heil) du chef de guerre (heerkönig, littéralement « roi d'armée ») : véritable incarnation de Wotan chevauchant Sleipnir son cheval, il est possédé par le heil qui lui procure vie, santé, victoire (devenant ainsi heilag), puissance sacrée déclenchant la violence destructrice. Il devient ainsi le descendant des dieux possédé par les puissances de l'au-delà. S'il est tué au combat, c'est que les dieux l'ont abandonné ou choisi pour le Walhalla. La mort du roi signifiait la retraite pour les adorateurs de ce chef de guerre possédé, dont la fureur guerrière était divine. Wotan étant fourbe, inconstant et rusé, il inspirait un tel comportement à ceux qu'il possédait. Le geste de Clovis s’inscrit donc dans le cadre de ses croyances. Clovis sera le roi de tous les Francs de 481 à 511.

Royaume Franc à la fin du règne de Clovis

Cependant, pour assurer la pérennité de son nouveau royaume, Clovis a plus que tout besoin du soutien du clergé gallo-romain, car ce dernier représente la population gauloise. Les évêques, à qui échoit le premier rôle dans les cités depuis que se sont effacées les autorités civiles, demeurent les réels maîtres des cadres du pouvoir antique en Gaule. C'est-à-dire également des zones où se concentrait encore la richesse. Cependant, même l'Église a du mal à maintenir sa cohérence : évêques exilés ou non remplacés en territoires wisigoths, successions pontificales difficiles à Rome, mésentente entre proWisigoths ariens et profrancs. C’est dans ce but que probablement il se convertit, principalement pour des raisons politiques. On forge alors pour lui une légende identique à celle de Constantin, afin de le présenter comme un roi chrétien.

D'après Grégoire de Tours, ne sachant plus à quel dieu païen se vouer et son armée étant sur le point d'être vaincue à la bataille de Tolbiac contre les Alamans, Clovis prie alors le Christ et lui promet de se convertir si « Jésus que sa femme Clotilde proclame fils de Dieu vivant » lui accordait la victoire. Il s'agit de la même promesse que fit l'empereur romain Constantin en 312 lors de la bataille du pont Milvius et on connaît le résultat catastrophique de ce pacte. Jésus n’étant pas un général d’armée, mais attendant que l’on prie pour ses ennemis, il est facile d’imaginer d’où viennent ces idées antéchrist. Toujours est-il que lors d’un Noël situé vers l’an 500, Clovis victorieux se baptise avec 3 000 guerriers des mains de Remi, l'évêque de Reims, le 25 décembre, date symbolique pour les militaires qui fêtaient leurs dieux païens pour le solstice d’hiver.

Selon l'historien Léon Fleuriot, Clovis fit un pacte avec les Bretons et Armoricains de l'ouest qu'il ne pouvait battre, tandis que menaçaient les Wisigoths. Le baptême était une condition de ce traité, car les Bretons étaient déjà christianisés, il s’agirait donc surtout d’un acte politique. Ainsi, le baptême de Clovis marque le début du lien entre le clergé séculier et la monarchie franque qui remplace désormais l’empereur de Rome en Occident. Dorénavant, le souverain peut régner au nom de Dieu. Ce baptême permet également à Clovis d'asseoir durablement son autorité sur les populations, essentiellement gallo-romaines et chrétiennes, qu'il domine : avec ce baptême, il peut compter sur l'appui du clergé séculier, et vice-versa. Le bras séculier des rois et empereurs en Occident va assurer la pérennité du trône des évêques, surtout s’ils sont nommés par eux. La doctrine nicolaïte et la monarchie ont après les empereurs romains, partie liée.

L’empereur Justinien ou la fin de l’âge de Pergame.


Après Clovis, un  sursaut romain surviendra avec l’empereur Justinien au VIe siècle. Justinien le Grand, fut empereur byzantin de 527 jusqu'à sa mort en 565. Il fut l’une des principales figures de l’Antiquité tardive. Le règne de Justinien sera marqué par l'ambitieux projet de « restauration de l'Empire », partiellement accompli. Justinien, secondé par son épouse, l'impératrice Théodora, a pour dessein de rétablir le territoire de l'ancien Empire romain (amputé de nombre de ses territoires depuis la chute de Rome en 476), de faire de la Méditerranée un lac byzantin et d'y anéantir l'arianisme.

Après avoir acheté la paix avec les Perses, il reprendra provisoirement l’Italie aux Ostrogoths et le royaume Vandale. Justinien se conçoit comme l'élu de Dieu, son représentant et son vicaire sur la terre. Il se donne pour tâche d’être le champion de l’orthodoxie dans ses guerres ou dans le grand effort qu’il fait pour propager la foi orthodoxe, soit dans la façon dont il domine l’Église et combat l’hérésie. Il veut gouverner l’Église en maître, et, en échange de la protection et des faveurs dont il la comble, il lui impose sa volonté, se proclamant nettement empereur et prêtre. L’action législative de Justinien s’inscrit donc dans la durée, avec une attention toute particulière pour l’Église. En effet, l’empereur est chrétien, contrairement à Constantin qui fut un mélange religieux. Justinien s’estime, dans la tradition césaropapiste héritée de Constantin Ier, être le dirigeant suprême de l’Église. Le christianisme est alors, d’un point de vue institutionnel et juridique, religion d’État. C’est en cela qu’il règle avec une minutie pointilleuse les conditions de recrutement des membres du clergé, leurs statuts, l’organisation de l’administration des biens ecclésiastiques. C’est lui qui légalise le contrôle des évêques sur les autorités civiles locales. La chose est particulièrement évidente à Rome où Justinien fait et défait les évêques au grès des intrigues de palais et de femmes d’influences comme Théodora son épouse. Mais c'est aux dissensions internes des Églises chrétiennes que Justinien tente de mettre fin, pour maintenir la cohésion de l'empire. C'est pourquoi il tente un rapprochement avec les monophysites, nombreux dans la partie orientale de l'empire (Syrie et Égypte), d'autant que les convictions religieuses de Théodora sont notoirement proche de ces derniers.

A l’époque de Justinien, l’Église était profondément divisée sur la nature du Christ. Etait-il un simple homme ou Dieu fait homme ? De nombreux courants de pensée se développèrent pour donner des réponses à ces questions cruciales qui déchirèrent l’Église. Notamment entre l’Orient et l’Occident. Le concile de Chalcédoine en 451 avait mis un terme aux innombrables et interminables querelles des siècles précédents en décrétant que le Christ avait en son unique personne deux natures, humaine et divine, inséparablement unies. Il avait ainsi condamné le monophysisme d'Eutychès qui, en réaction contre le nestorianisme, affirmait que le Christ n’avait qu’une seule nature : la nature divine. Il avait également démis Dioscore d’Alexandrie qui professait un monophysisme atténué, le miaphysisme. Cette dernière doctrine s’était profondément établie en Égypte d’où elle s’était étendue à la Syrie et à la Palestine. L’Occident accepta sans difficulté les conclusions du concile Chalcédoine en 451, mais il n’en alla pas de même en Orient, dans les Églises d'Alexandrie et Antioche qui refusèrent les décisions du concile. En 482, pour ramener l'unité dans l'Église, l’empereur demanda au patriarche de Constantinople, de rédiger un compromis acceptable par les Églises de l'Orient. Un texte fut alors promulgué, mais qui laissait sous silence les définitions christologiques. Le patriarche de Rome, Félix II, condamna ce texte, ce qui provoqua un schisme entre les Églises de Rome et de Constantinople.

Outre le schisme avec l’Occident, l’Église d’Orient n’était pas unie doctrinalement pour autant. Des courants divergents persistaient et déchiraient l’Église. Écartelé entre l’Occident qui réclamait des mesures contre les monophysites et l’Orient où les discours incendiaires des patriarches faisaient rage, Justinien sentait qu’il lui fallait faire quelque chose pour sauver l’unité du christianisme. Justinien décida dans un acte plus politique que religieux, d’esquiver le problème en condamnant non pas les monophysites, mais les nestoriens, détestés aussi bien par les orthodoxes que par les monophysites et qui, après l’anathème de 431 avaient fui en Perse où ils ne pouvaient nuire à l’empire. Au début de 544, il fit publier un édit qui condamnait non pas l’hérésie nestorienne elle-même, mais trois de ses manifestations. L’édit lui-même ne nous est pas parvenu, mais les trois anathèmes qu’il devait contenir furent appelés « Trois Chapitres ». Habitué à gouverner aussi bien l’Empire que l’Église, Justinien s’attendait à ce que les patriarches se rallient à son opinion théologique. Mais les monophysites accueillirent froidement le document, n’y trouvant pas la condamnation attendue des doctrines de Chalcédoine. Chez les orthodoxes, si les patriarches d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem signèrent effectivement le document, le patriarche de Constantinople, fit dépendre son accord du patriarche  de Rome. Or, l’édit impérial avait jeté l’émoi à Rome où l’on considérait que Justinien allait au-delà de Chalcédoine et faisait des concessions à une doctrine égyptienne détestée. Le patriarche romain Vigile, s’abstint donc de signer. Arrêté par l’empereur on força Vigile à signer en 547. Mais en 548, un synode condamnait les Trois Chapitres et réaffirmait l’adhésion de Rome aux décisions de Chalcédoine. Ainsi la question de la nature du Christ allait, au travers de la question des trois chapitres, continuer à diviser l’Église.

Face à toutes aux divisions persistantes, Justinien dut convoquer un Ve concile œcuménique qui se réunit le 5 mai 553 à Sainte-Sophie. Justinien évita de se présenter en personne, mais lors de la première session, fit lire aux évêques présents une lettre où il leur rappelait qu’ils avaient déjà condamné les Trois Chapitres. Vigile s’abstint d’assister aux débats, car les évêques d’Occident ayant été invités trop tard pour arriver en temps, l’issue des discussions ne faisait aucun doute. Un décret impérial déclara que, par sa conduite, Vigile s’était lui-même placé hors de l’Église et le concile suivant la position de l’empereur, condamna l'évêque romain. Vaincu et humilié, Vigile capitula et confirma l’anathème sur les Trois Chapitres. N’étant plus d’utilité pour l’empereur, il reçut la permission de regagner Rome, mais mourut en chemin. Le Ve concile ne régla cependant pas la question de la nature du Christ. Au contraire, il en ressortit trois versions de l’orthodoxie : l’orthodoxie romaine en Occident, le monophysisme orthodoxe représenté par une nouvelle hiérarchie venant principalement des monastères et, entre les deux, l’orthodoxie de Constantinople. Le concile de 553 avait complètement échoué dans sa tentative de réconcilier partisans et opposants au concile de Chalcédoine. Ses décrets n’eurent aucun effet sur les monophysites d’Égypte et de Syrie, alors que les méthodes de coercition utilisées par Justinien lui aliénèrent la sympathie des provinces de Gaule et d’Espagne.

Avec la mort de Vigile, Justinien devait choisir un nouveau patriarche à Rome, choix difficile puisque la plupart des évêques d’Occident étaient opposés à sa politique. Justinien offrit donc la place au diacre Pélage, représentant de la noblesse romaine, ancien nonce du patriarche romain à Constantinople qui venait tout juste de publier une défense des Trois Chapitres. La condition était évidemment que celui-ci change sa position et condamne les Trois Chapitres. Pélage accepta ce qui lui valut l’hostilité de la population de Rome et ce n’est qu’escorté par l’armée qu’il put entrer dans la ville. Il fut sacré évêque de Rome le jour de Pâques 556 par deux évêques et un presbyte, les trois évêques nécessaires n’ayant pu être trouvés. Un exemple de plus qui démontre la vacuité du principe papal en ce temps-là. Dans sa profession de foi, il fit volte-face et affirma son adhésion aux quatre conciles œcuméniques précédents. Ce ne fut pas assez pour convaincre les évêques de Milan et d’Aquilée qui firent sécession, ce dernier schisme se perpétuant jusqu’à la fin du VIIe siècle. On pourra donc dire que la grande œuvre de Justinien aura été de diviser tous les patriarcats, puis ceux-ci entre eux-mêmes. L’Église ainsi divisée ne pourra plus résister au paganisme en Occident et à l’islamisme en Orient, qui verra ses patriarcats balayés par les musulmans dans l’âge suivant. Le diable était en voie de gagner sa bataille sur le christianisme, grâce aux chefs de ce monde qu’il se choisissait. Tels Constantin, Clovis ou Justinien qui entraînent le clergé séculier dans l’abîme des ténèbres de Satan.

Les conquêtes de Justinien en orange

L'Empire byzantin était alors en plein apogée sous l'énergique Justinien qui était en reconquête de l'Italie et la côte occidentale de la Méditerranée ; ce qui aurait signifié en cas de succès, l'hypothèse d'un retour à un Empire romain unifié sous un seul empereur pour la première fois depuis l'année 395. Cependant la peste met un coup d'arrêt brutal aux visées de Justinien en frappant ses troupes dès lors incapables de se mouvoir. Pendant l’hiver de 589, la peste de Justinien frappe lourdement Rome et même l’évêque Pélage, qui atteint à son tour meurt le 8 février 590. La terreur des Romains est alors à son comble et une atmosphère de fin du monde apocalyptique se développe. La peste de Justinien entraîne des conséquences majeures dans l'évolution de l'Europe et de la chrétienté. Quand l'épidémie s'apaise, ses troupes subsistent en Italie, mais n'arrivent plus à s'étendre vers le nord. Justinien parvient à conserver l'Italie, mais après sa mort, celle-ci est définitivement perdue pour l’Empire romain d'Orient, qui ne conserve que sa partie méridionale. L'invasion des Lombards au nord de l'Italie inaugure un très long cycle de guerres et de divisions chroniques pour la péninsule face aux visées des puissances transalpines. La mort de Justinien va alors voir cette partie de l’Empire occidental entrer dans le Moyen Âge et inaugurer un nouvel âge pour l’Église, celui de Thyatire où le clergé séculier basculera définitivement dans les ténèbres.

Le césaropapisme on l’a vu ne contribuera qu’à affaiblir le christianisme en le divisant. Il ne servira en définitive que le nicolaïsme des évêques, qui sortent triomphant de l’antiquité pour entrer dans le Moyen Âge comme seule autorité religieuse. Contrairement à la légende colportée dans le catholicisme d’une hiérarchie imposée à Rome par l’apôtre Pierre, l’évêque de Rome à la fin de l’Empire n’est pas encore un pape selon l’idée que l’on conçoit aujourd’hui. Bien au contraire, car à la fin de l’âge de Pergame, l’évêque de Rome ne représentera presque plus rien. Seul l’empereur pouvait alors revendiquer le titre de chef de l’Église, qui sera repris de manière mensongère par le pape dans l’âge suivant, pour assurer sa prééminence sur l’Église occidentale et même les rois et empereurs.

samedi 21 décembre 2013

L'âge de l'Eglise de Pergame 7

Apocalypse 2 : 15 De même, toi aussi, tu as des gens attachés pareillement à la doctrine des Nicolaïtes.

Nous avons vu dans Apocalypse 2:6 qui étaient les Nicolaïtes, mais là leurs œuvres sont devenues une doctrine. L’âge de Pergame va subir une véritable révolution dans la structure de l’Église du Christ. Au départ les Eglise avaient un caractère local, puis au fur et mesure de la progression du christianisme, les Églises locales vont être rattachées à l’autorité d’un évêque d’une ville importante, tout en restant toujours totalement indépendante les unes des autres. Mais avec l’arrivée au pouvoir de Constantin, les choses vont radicalement changer, car l’empereur ne se contentera pas uniquement de feindre d’embrasser le christianisme, il voudra aussi s’immiscer dans son fonctionnement. Voyant le christianisme divisé à cause des hérésies, il ordonnera la réunion du premier concile œcuménique des Églises à Nicée en 325, qui organisera l’Église de manière quasi pyramidale, avec l’empereur à sa tête pour les choses temporelles. 

La primauté de l’évêque, ou d’un monde de frères à un monde de pères.


Investie de nouveaux pouvoirs et de nouveaux lieux de cultes, la fonction des évêques va évoluer rapidement avec son temps. Le clergé suivra alors la voie des deux semences bibliques, celle du serpent et de la Femme qui représentera l’Église véritable.

Durant le premier siècle, la plupart des communautés chrétiennes fondées par les apôtres demeurèrent administrées par un collège de presbytres (anciens) et d’épiscopes (surveillants) - ces deux mots devenant presque synonymes - sous la direction plus ou moins lointaine de l’Apôtre ou de son délégué. Le premier siège épiscopal fut celui de Jacques à Jérusalem; Pierre fonda celui d’Antioche; Marc passa pour être le fondateur de celui d’Alexandrie. Ultérieurement, la communauté chrétienne choisit l’un des épiscopes pour être le dépositaire de tous les pouvoirs d’ordre et de juridiction. Dès le début du IIe siècle, ce terme prit le sens actuel d’évêque.

Les prérogatives de certains évêques se sont progressivement accrues avec le temps, jusqu’à créer dans la hiérarchie de l’Église, un pouvoir super-épiscopal, celui d’évêque de la Métropole (ville-mère) – le métropolitain - qui acquérait une sorte de prééminence sur ses collègues de la même province. Le Concile de Nicée (325), consacra la division par métropoles ainsi que les droits des métropolitains sur les évêques de leurs provinces. Antioche, Rome et Alexandrie se virent donc ratifier des positions exceptionnelles. Le Concile de Constantinople (381) érigea Constantinople, la «nouvelle Rome», à un degré équivalent. Première pomme de discorde : seul l'évêque de Rome parlait latin. Tous les autres, parlaient grec (et écrivaient en grec...). Cependant au Concile de Nicée, ils s'entendent tous sur un seul credo : le Credo de Nicée. L’acceptation du grec par l’Église de Rome démontre bien qu’elle n’est pas supérieure aux autres, mais plutôt soumise aux Églises orientales. Sur les 250 à 300 évêques présents au concile de Nicée, seuls quatre ou cinq viennent d'Occident, ce qui démontre que l’Église à ce moment-là était principalement orientale. L'évêque de Rome Sylvestre ne parlant que le latin n’y était même pas allé personnellement et avait envoyé deux prêtres pour le représenter. En dépit des conclusions de ces conciles, les problèmes théologiques liés à l’arianisme ne seront pas résolus et le christianisme vivra tout au long des IVe et Ve siècles sous ses deux versions, orthodoxe et arienne. L'arianisme restant bien implanté dans la maison impériale : l'empereur Constantin et Constance II son fils, lui resteront favorable, ce qui montre le peu de cas que les empereurs feront des conciles et de leurs évêques.

Le temps des patriarches ecclésiastiques.


Le Concile de Chalcédoine (451) vit apparaître l’exarchat, comme nouveau grade supérieur de la hiérarchie ecclésiastique, qui va former à terme le concept de patriarcat avec des super-évêques administrant des régions entière comme l’Afrique pour le patriarche d’Alexandrie, l’Occident pour celui de Rome, les autres étant Antioche, Constantinople et Jérusalem. A cette organisation, Justinien donnera la sanction civile et reconnut les cinq patriarcats. Une pomme de discorde allait alors se développer au fil du temps. Au cinquième siècle, l'évêque de Rome revendiquait non seulement la suprématie sur les cinq patriarcats au titre de « Premier des égaux », mais aussi l'autorité sur les questions ecclésiastiques et doctrinales en raison de sa succession de Saint Pierre, ce qui ne manquait pas de soulever de vigoureuses protestations de la part des patriarcats grecs, qui eux optaient pour la « Pentarchie », c'est-à-dire le gouvernement commun des cinq patriarcats.

De l’épiscopat soumis aux Apôtres, au régime métropolitain, puis au patriarcat, on s'est trouvé conduit à une évolution historique voulue et orchestrée par les empereurs romains qui visent ainsi par cette nouvelle organisation à garder le contrôle de la chrétienté. Sous les coups des hérésies, des invasions, de schismes, et sous l'effet de nombreux facteurs disciplinaires, liturgiques et nationaux, les patriarcats se dédoublèrent et se ramifièrent principalement dans la partie orientale qui se désagrégera progressivement, laissant le champ libre à l’Église de Rome pour viser à l’universalité.

Constantin et la sécularisation des évêques.


Les différents conciles qui ont mené au patriarcat, ont établi en doctrine ce qui est dépeint dans l’âge de Pergame comme le Nicolaïsme, ce principe qui permet au clergé de dominer les laïcs. Le clergé qui est le terme qui désigne les différentes institutions d'une religion, va alors sous la direction des empereurs transformer le clergé chrétien en deux formes distingues : le clergé régulier et le séculier.
Le clergé séculier est le clergé qui vit «  dans le siècle » (du latin : sæcularis) au milieu des laïcs, par opposition au clergé régulier qui vit « selon une "règle" de vie » (du latin : regularis) d’un ordre, d'une abbaye, d'un couvent, d'un prieuré.

Le clergé séculier, grâce aux prérogatives de Constantin  va progressivement se corrompre et s’intéresser de plus en plus aux richesses et à la gloire de ce monde, pour délaisser celle du Christ. Parallèlement, son autorité temporelle grandira avec celles de ses richesses et s’exercera toujours plus durement sur les laïcs, qui progressivement verront dans l’évêque un prince trop éloigné de leurs préoccupations quotidiennes. L’image de l’évêque va alors se dégrader chez les laïcs des campagnes, qui seront quasiment délaissés et livrés à eux-mêmes, puisque le « christianisme » va désormais se concentrer dans les villes où siège un évêque.

Une notion nouvelle va alors voir le jour, le pouvoir séculier de l’évêque. Normalement est « Séculier» celui qui vit dans le siècle et désigne ainsi un pouvoir exclusivement temporel, la justice de l'État par exemple. Le terme « laïc » apparaît alors comme une extension de ce concept : le laïc n’est pas relié à l'autorité ou sous influence religieuse. On notera que dans Sa préscience, le Seigneur utilisa dès l’Apôtre Jean au travers du terme Nicolaïtes, un concept qui n’apparaitra que plusieurs siècles plus tard. Ainsi, avec l’empereur Constantin qui se définit lui-même comme l’égal des apôtres et quasiment le vicaire du Christ, la distinction entre le religieux et le séculier n’est plus possible, car les fonctions impériales du pontife romain englobent toutes les autorités, définissent de facto l’autorité impériale comme relevant du nicolaïsme biblique. Présent pendant tout le concile de Nicée comme arbitre au milieu des évêques, l’empereur romain forme alors le futur contour de la notion de papauté, qui cependant apparaîtra clairement uniquement dans le catholicisme dans l’âge de Pergame. Constantin peut donc être considéré comme le père du nicolaïsme doctrinal et donc le premier pape romain. Quand l’empire s’effondrera, le pontificat impérial n’aura plus qu’à migrer sur la charge de l’évêque de Rome et la doctrine nicolaïte sera ainsi pérennisée sur le trône de l’évêque de Rome, qu’on appellera alors le pape de Rome. La fausse donation de Constantin devant par la suite légitimer l’autorité papale.

Sous Constantin, les membres du clergé séculier jouirent donc de tous les privilèges qu'avaient autrefois les prêtres païens. Ils furent comblés d'honneurs et de richesses, exemptés des charges publiques, et reçurent pour leur traitement et l'entretien du culte, des sommes tirées des revenus de chaque ville. L’Église habitait dans le monde et se conformait à ses principes, assujettie au pouvoir impérial et cherchant sa faveur; le clergé se corrompait toujours plus dans cette association avec le monde, poursuivant la domination, les richesses, le luxe et les jouissances de la chair; les cérémonies et les ordonnances d'un culte de plus en plus fastueux remplaçaient le culte en esprit et en vérité. Les saintes vérités de l'Écriture touchant le salut tendaient à disparaître sous des traditions et des idées superstitieuses, et des hérésies nombreuses troublaient les esprits et entretenaient des disputes sans fin. Dans un pareil environnement, l’Esprit Saint étouffé disparaitra progressivement et l’Eglise du Christ n’en retiendra plus que le nom.

Pour comprendre la sécularisation du clergé, il faut comprendre comment fonctionnait la société romaine. Son administration totalement remaniée par Constantin, explique la « conversion » du clergé et le remaniement du christianisme sous l’influence du clergé séculier. L'expansion du christianisme, à l'époque constantinienne et post-constantinienne, peut certainement trouver sa source dans le fait que les chrétiens appartenaient principalement aux classes moyennes et inférieures des cités romaines. A cette époque on assiste précisément à une percée impressionnante de ces classes moyennes de la société, en raison du développement de la bureaucratie ; cette promotion d'une classe sociale ne pouvait qu'entraîner la promotion du christianisme qui s'était bien enraciné dans la bourgeoise romaine. Toutefois, le christianisme qui triomphe, ou plus exactement qui commence à triompher sous Constantin, n'est encore que très limité ; il n'a pas encore gagné toutes les couches sociales. Ce sera la grande œuvre de l'Église du quatrième siècle de le répandre dans les couches aristocratiques de la population de l'empire grâce à la sécularisation du clergé. Des nobles pourront alors accéder à la charge épiscopale sans rien céder de leur fortune ou autorité.

Le christianisme encore très minoritaire au début du IVe siècle, va accélérer sa progression en se fondant dans le moule romain. Mais la variété et la complexité du paganisme, son extension dans tout l’Empire et son intégration locale le rendait résistant ; le culte impérial et le calendrier des fêtes perdurent aux IVe et Ve siècles, le culte privé des familles garde une couleur fortement païenne en ce qui concerne les espoirs et craintes individuels, les rites relatifs à la vie quotidienne ou à la mort persistent. Au-delà des survivances, on assiste à des phénomènes d’assimilation; on danse dans les rues pour certaines fêtes chez les chrétiens comme chez les païens, on dépose des offrandes aux morts, les pratiques commémoratives après les funérailles montrent des croyances partagées. Les traditions locales se maintiennent ainsi que les banquets funèbres et les offrandes votives païennes se retrouvent dans le culte de saints. La littérature et l’art manifestent de mêmes tendances : on emprunte à la symbolique impériale pour manifester la grandeur de Jésus (l’orbe, le trône, la gestuelle symbolique) et, à l’opposé, le culte impérial formule en langage traditionnel la suprématie inéluctable des Romains et de leur princeps justifiée par leur lien avec le Christ. Les symboles (guirlandes, vignes, oiseaux), la pensée philosophique, les allusions mythologiques sont reprises et réutilisées au point qu’aucun épigraphiste ne s’étonne de nos jours de trouver sur une tombe chrétienne l’expression « consacré aux Dieux Mânes » pas plus qu’une allusion poétique aux Enfers païens, ou la célébration de Mithra déguisée en fête de Noël. On peut donc considérer qu’en un siècle, le clergé séculier a absorbé une grande partie du paganisme en lui attribuant des vertus chrétiennes, ce qui a alors largement contribué à un essor si rapide du christianisme. Mais peut-on encore appeler cela du christianisme ?

jeudi 19 décembre 2013

L'âge de l'Eglise de Pergame 6

De la sainte cène à l’eucharistie de l’âge de Pergame.

Après avoir bien fixé l’Église sur terre par le biais des basiliques et replacé un autel dans les églises, le temple antique était désormais réapparu sous une forme christianisée, qui n’avait absolument plus rien à voir avec les pratiques chrétiennes apostoliques enseignées par Jésus. Le culte allait devoir s’harmoniser à tout ce nouvel ensemble et une nouvelle liturgie mise en place.

Un bon connaisseur des écrits des premiers chrétiens a fait remarquer qu’il fallait attendre le IXe siècle pour trouver un ouvrage sur l’eucharistie. Avant cette période, si les références à l’eucharistie sont fréquentes et de première importance, celle-ci ne fait pas l’objet d’un traité. C’est que, pour les premiers chrétiens, l’eucharistie n’est jamais prise isolément. Elle est toujours reliée à l’ensemble du mystère de la foi dont elle est la synthèse. Un point essentiel de la foi est-il contesté, c’est l’eucharistie qui servira de repère pour montrer ce qui tient ou ne tient pas la route. Ainsi, au IIe siècle, Irénée de Lyon dira : « Notre façon de penser s’accorde avec l’eucharistie, et l’eucharistie en retour confirme notre façon de penser. » Suivre Irénée sur cette piste, c’est être conduit au cœur de la foi. Ainsi, participer à l’eucharistie revenait à être ou ne pas être reconnu comme un chrétien, c’est cela qui faisait la différence.

La prière eucharistique dont la sainte cène est la matérialisation et le symbole, va radicalement se transformer dans l’âge de Pergame. Dans l’âge précédant, la prière eucharistique reprenait le schéma apostolique de la prière juive en trois parties : les louanges adressées à Dieu, la requête qu'on Lui présente pour ses besoins et un témoignage de gratitude envers les bénédictions qu'Il nous a accordées. Dans les Églises des premiers siècles, la prière eucharistique exaltait l’unité de Dieu qui se révélait dans le Père, le Fils et l’Esprit Saint, reprenant par là le schéma de la prière juive en trois parties. Une première prière de remerciement était adressée au Père pour l'œuvre de création, une deuxième pour l'œuvre de rédemption du Fils, une troisième prière pour la venue du Royaume en la Personne du Saint Esprit. Les liturgies anciennes conservent donc fidèlement cette structure, qui correspond à la structure juive antérieure au Christ et nous montre bien qu'il s'agit d'une structure apostolique. Dans ces prières, le Saint Esprit « descendait » sur l’assemblée, pour révéler en chacun ce que représentait le sacrifice de Jésus pour l’homme pécheur. Dans ce cadre général, le pain et le vin pris pendant la sainte cène, n’étaient qu’une image symbolique du Christ, révélé par l’Esprit Saint.

Mais dès le IVe siècle, nous allons entrevoir ce qui peut être appelé le germe d’un schisme. Si on lit la liturgie milanaise de l’évêque Ambroise, à la fin du IVe siècle, on constate que l'épiclèse (la prière pour l’Esprit Saint) a disparu. C'est un fait très mystérieux. Entre Hippolyte, évêque de Rome en 217 et Ambroise, évêque de Milan vers l'an 380, la mention explicite de l'invocation à l'Esprit Saint ne se fait plus. Ceci est extrêmement important, car on possède la théologie de sa liturgie : la théologie est priée avant d'être intellectualisée. Or, la place du Saint Esprit dans la célébration eucharistique va être occultée dès le Ve siècle en Occident. Une des raisons principales du changement de la liturgie eucharistique, tient à la multiplication des hérésies qui lentement mine la foi apostolique originelle. Le IVe siècle est le moment où s'est développée en Orient l'hérésie de Macédonius. Alors que l'hérésiarque du siècle précédent, Arius, s'était attaqué à la Personne du Christ, Macédonius, lui, s'attaque au Saint Esprit. Arius niait la divinité du Fils et son hérésie fera rage en Occident autant qu'en Orient, elle sera notamment combattue en Occident par Hilaire de Poitiers. Parce que les Wisigoths et les Goths étaient ariens, il faudra combattre l'hérésie arienne plus longtemps en Occident qu'en Orient.

En revanche, l'hérésie de Macédonius qui niait l'existence du Saint Esprit ne se répandra pas en Occident. C'est elle qui pousse Basile, au IVe siècle, à développer en détail la théologie du Saint Esprit dans son Traité du Saint Esprit. Ce livre est écrit en grec, à l'époque où l'Occident ne le parle plus, ni n'éprouve le besoin de combattre une hérésie contre le Saint Esprit. Le résultat en est que la théologie du Saint Esprit qui se développe explicitement en Orient au IVe siècle, ne paraît pas avoir véritablement atteint l'Occident. Cela entraîne une différence liturgique : non seulement on maintient l'épiclèse dans toutes les liturgies en usage en Orient, mais on les développe pour lutter contre l'hérésie de Macédonius, à une époque où l'invocation à l'Esprit Saint se perd en Occident.

Cette prière d'épiclèse en ce temps, est donc tout à fait essentielle. Si on la supprime notamment au moment de l’eucharistie, c'est toute la structure de la liturgie apostolique qui disparaît. On se trouve alors tenté, comme c'est le cas en Occident, de remplacer le Saint Esprit par l'évêque et on tombe dans le cléricalisme. Dans cette nouvelle liturgie l’officiant est désormais mué en prêtre qui pratique un sacrifice sur l’autel au moment de la présentation du pain et du vin. Si de surcroît cet autel est placé dans une basilique constantienne  élevée à la gloire d’un pontife romain qui se prend pour un christ sur terre, alors on peut légitiment considérer qu’on ne sacrifie plus à Dieu, mais à des idoles. Le remplacement du Saint Esprit par le prêtre, va trouver sa doctrine dans ce qui va devenir le dogme de la transsubstantiation. On va prétendre que le pain et vin se transforme réellement en chair et en sang de Jésus, comme si on procédait à un nouveau sacrifice. Le mot n’apparaitra dans le catholicisme qu’à la fin du XIe siècle chez Hildebert de Tours vers 1079, puis sera défini comme terme du dogme par le quatrième concile du Latran (1215) et confirmé par celui de Trente (1545-1563), mais l'idée est selon Hildebert « visiblement présente dès les premiers temps de l'Église », ce qui est totalement faux.

Ainsi, l’eucharistie des origines qui était une simple prière d’action de grâce le jour de la Pâque juive, va se muer en messe et transformer la liturgie du VIème siècle en profondeur pour devenir quotidienne avec une célébration plus solennelle le dimanche, jour de la Pâque du Seigneur. Puis l'année liturgique va commencer à se construire autour de deux grands pôles : celui de la rédemption et celui de l'incarnation.
           -La rédemption atteint son sommet dans la fête de la Pâque, qui vient après un temps de pénitence et de volonté de conversion (le carême) et qui se poursuit pendant sept autres semaines jusqu'à la fête de la Pentecôte.
           -L'incarnation est souligné par la fête de la naissance de Jésus-Christ. La célébration de la Nativité du Seigneur sera progressivement amenée au solstice d’hiver le 25 décembre. Carême, Pâques décalé, Noël, choix du dimanche, sont des reprises des pratiques païennes qui ont été christianisées et qui n’ont absolument rien à voir avec l’enseignement apostolique des débuts de la chrétienté.

Sous Constantin on le voit, la liturgie est en train de radicalement changer. On comprend désormais mieux le sens des propos de Jésus dans l’Apocalypse quand Il dit : « Mais j’ai quelque chose contre toi, c’est que tu as là des gens attachés à la doctrine de Balaam, qui enseignait à Balak à mettre une pierre d’achoppement devant les fils d’Israël, pour qu’ils mangeassent des viandes sacrifiées aux idoles et qu’ils se livrassent à l’impudicité. » Dans le contexte de l’âge de Pergame, Balak peut être représenté par l’empereur Constantin et Balaam par l’évêque de Rome. Dans l’âge de Pergame, les pratiques de Balaam deviennent une doctrine nouvelle, mise en place par le clergé séculier qui s’est laissé acheter par l’empereur. À partir de cette époque, l’Église absorbera toujours plus de pratiques païennes, qui à terme formeront l’Église catholique romaine après le schisme avec l’Eglise d’Orient au XIème siécle.


 Les basiliques seront alors toujours plus richement parées d’or et de marbre, des statues de saints et de l’encens apparaîtront comme dans les temples païens. Sur l'autel une eucharistie y sera pratiquée de manière perpétuelle, donnant toujours plus l’allure d’un temple païen. Par la suite, on ne prendra même plus la peine de construire des Églises, il suffira de commuer un temple païen en église chrétienne et d’en modifier le culte pour en perpétuer le rite. Il va sans dire que tout cela n’a plus rien à voir avec le christianisme apostolique. Clairement on force la conversion de masse de toute une population. Dans les villes, l’idolâtrie païenne sera alors commuée en culte aux saints et dans l’armée, le culte de Mithra nous léguera la fête de Noël par exemple. Ajoutez à cela, que dans l’âge précédant le fait de refuser de prier pour l’empereur conduisait parfois au martyr, dans cet âge-ci cela pouvait conduire à l’exclusion de l’église de celui qui refusait de voir en lui un saint. Le diable était en train de gagner sur tous les tableaux.

jeudi 12 décembre 2013

L'âge de l'Eglise de Pergame 5

De l’Église à la basilique (l’église).

On l’a vu, de facto, Constantin était devenu le chef de l’Église sous une forme de césaropapisme quasi sacralisé comme oint de Dieu après la bataille du Pont Milvius. Il n’imposera pas seulement sa direction politique à l’Église, mais également sa vision religieuse en faisant construire des basiliques, les maisons de l'empereur dédiées au Christ et qui vont se multiplient dans tout l'Empire. Constantin contribuera alors au mélange des genres, en mêlant autorité terrestre et spirituelle et la gloire du Christ avec celle de l’empereur, son oint sur terre.

Habilement il saura à la fois flatter l’orgueil et la vanité des évêques en commençant par celui de Rome, qu’il installera dans un palais à côté de la basilique qu’il y édifiera au Latran.  Le palais est la domus Faustae, du nom de Fausta, seconde épouse de Constantin et sœur de Maxence, mais c’est également une manière habile d’épouser politiquement l’Eglise par la voie de l’évêque de Rome. La basilique de la domus Faustae s’agrandira pour finalement devenir la cathédrale de Rome, le siège des futurs papes de l'Église catholique romaine. Le fait de donner le palais de son épouse à l’évêque de Rome, démontre l’extrême habilité de l’empereur dans la manipulation du clergé romain au travers de son évêque, qui acceptera ce que Jésus refusa du diable pendant sa tentation, soit la gloire, la puissance et la richesse. Ce palais restera jusqu’ au XIVe siècle, la résidence principale des papes et la basilique sera le premier édifice religieux chrétien construit en Occident. Elle est considérée comme la « mère » en ancienneté et dignité de toutes les églises de Rome et du monde. Pendant plus de dix siècles, les papes (évêques de Rome) y célébrèrent les offices religieux principaux, et résidèrent dans le palais du Latran voisin. Dans ses murs se réunirent plus de 250 conciles, dont les cinq conciles œcuméniques du Latran.

Outre l’évident aspect politique de l’attribution du palais de l’épouse de l’empereur à l’évêque, la construction de la basilique s’inscrit dans le même ordre d’idée. Tout en faignant faire œuvre utile en soutenant le christianisme, il l’utilisa comme une nouvelle composante de sa stratégie de suprématie. L’empereur ne va pas seulement construire une basilique, mais un superbe édifice dédié premièrement à sa gloire, car le nom même renvoie directement à sa personne. Son orientation particulière dans un axe est-ouest, absorbe sans le nommer l’ancien culte solaire de sol invictus mis en place par Aurélien et qui avait pour but à la fois d’unifier les croyances dans un dieu supérieur, tout en déifiant l’empereur qui en est le représentant sur terre.

Le choix du jour du culte va dans le même sens et reste symptomatique des croyances de Constantin, tout d'abord adepte du culte de Sol Invictus, il diffuse par la numismatique la religion solaire et ses soldats doivent réciter le « jour de la lumière et du soleil » (c'est-à-dire le dimanche), une prière au dieu qui donne la victoire ; ce jour étant aussi un jour de repos, il remplacera le shabbat initial des apôtres. A la célébration religieuse dominicale, on associera la grande fête annuelle du « Soleil Invaincu » qui avait lieu le 25 décembre, soit la date du solstice d'hiver selon le calendrier julien. Ce jour était célébré tous les ans par des jeux du cirque : c'était le Dies Natalis Solis Invicti, « Jour de naissance du Soleil Invaincu » et deviendra en y associant le culte de Mithra célébré dans les armées, le Noël catholique. Sol était devenu la divinité protectrice des empereurs, car de même que le soleil règle le cycle naturel et domine les autres astres, l'empereur gouverne les hommes comme investi d'un pouvoir divin. Avec Constantin l’idée générale sera reprise, mais réadaptée à une sauce chrétienne qui mélangera par syncrétisme tous les cultes avec l’absolution de l’évêque de Rome qui feindra de ne voir là qu’une victoire du Christ, lumière du monde et soleil de justice, sur le paganisme, alors que c’est exactement l’inverse qui s’opéra.

Outre un syncrétisme qui absorbe doucement le culte solaire et celui de l’empereur dans ce christianisme remanié par Constantin, il contribuera également à établir un culte aux saints et reliques en construisant d’autres basiliques à Rome. Selon la tradition, la basilique Sainte-Croix-de-Jérusalem a été consacrée comme maison des reliques de la Passion ramenées de Terre Sainte par « sainte Hélène de Constantinople », mère de l'empereur Constantin. À cette époque, le sol de la basilique était couvert de terre venant de Jérusalem, acquérant ainsi le titre en Hierusalem. L'église était construite autour d'une pièce du palais impérial d'Hélène, le palais du Sessorium, qu'elle avait transformée d’abord en chapelle vers l'an 320. Quelques décennies plus tard, la chapelle est transformée en une véritable basilique, appelée Heleniana ou Sessoriana. Hélène qui avait suivi la foi de son fils, organisa la première restauration des lieux saints chrétiens de Jérusalem quand elle se rendit dans la ville en 325, afin d'y retrouver des reliques de la passion du Christ. Cela donnera une impulsion importante aux pèlerinages en Terre Sainte. La découverte la plus importante d'Hélène sera l'Invention de la Vraie Croix, sur le site du Saint-Sépulcre où l'empereur Hadrien avait fait construire un temple à Vénus et qu'Hélène fit abattre. Furent aussi retrouvés (d'après la tradition) les clous de la crucifixion. Hélène fit notamment transporter à Rome en 326 le Saint-Escalier, puis elle quittera Jérusalem en 327. Canonisée, elle est considérée aujourd’hui comme sainte par les Eglises catholique et orthodoxe, sa fête est fixée au 18 août pour les catholiques et au 21 mai pour les orthodoxes, qui fêtent le même jour Hélène et Constantin ("Fête des très Grands Souverains Constantin et Hélène, égaux aux apôtres"). Concernant les reliques de la croix ou des clous, il convient de remettre cela dans le contexte du judaïsme de l’époque de Jésus où ces objets étaient considérés selon la Loi mosaïque comme impurs et liés à une malédiction comme le rappelle Paul aux Galates 3 : 13 Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, étant devenu malédiction pour nous (car il est écrit, Maudit est quiconque est pendu au bois). Donc en aucun cas ces objets auraient été conservés par des juifs et encore moins regardés comme saint. Tout ceci tient du paganisme et n’est rien de moins qu’un mensonge entretenu par l’empereur et plus tard par les papes catholiques qui hériteront à la fois de son titre et de son esprit.

Vers 327, Constantin inaugura également la première basilique du Vatican, construite sur un cimetière chrétien des Ier et IIe siècles où plusieurs évêques avaient été inhumés (mais pas l’apôtre Pierre, contrairement à la légende). Constantin construisit également une basilique sur la tombe de l’apôtre Paul, à environ 2 km de la muraille aurélienne qui ceinturait Rome. Cet édifice est consacré le 18 novembre 324 par l’évêque Sylvestre. Ainsi trois des premières basiliques construites sous Constantin, deviendront des basiliques majeures de Rome. Cependant, l'empereur qui était aussi pontife suprême de la religion païenne, ne détruira pas les temples païens. En 325, durant le Concile de Nicée, l'évêque Macaire demanda à l'empereur Constantin de détruire les temples païens construits uniquement sur les lieux saints chrétiens dans la ville de Jérusalem. C’est ce qui sera fait sur le lieu supposé du sépulcre du Christ sous la conduite d’Hélène sa mère.

En 324, Il décida que Byzance était parfaite pour y installer la nouvelle capitale de l’Empire. Elle fut surnommée la «Nouvelle Rome» et rebaptisée Constantinople en son hommage. C'est en l'année 325, la vingtième de son règne, qu’il fit élever la première basilique, consacrée non pas comme on le croit parfois à une sainte du nom de Sophie, mais à la Sagesse Divine (en grec : Haghia Sophia), sur un emplacement où, du temps où la ville grecque s'appelait encore Byzance, s'élevaient des temples païens. Constantin n'avait pas prévu d'église pour sa capitale, ce qui est pour le moins curieux pour un empereur prétendu si chrétien. L'église des Saints-Apôtres, dont il édifia la première construction, était destinée à l'origine à devenir son mausolée et ce n'est qu'avec l'arrivée en 356 ou 357 des reliques des saints André, Timothée et Luc, qu'elle fut consacrée aux Apôtres. Constantinople témoigne donc comme une preuve à charge, que l’empereur Constantin n’était tout simplement pas un chrétien au sens biblique du terme, mais un simple manipulateur politique de la religion romaine comme le furent ses prédécesseurs.

Grâce à Constantin et à l’évêque de Rome qui était devenu son complice, le diable avait désormais à sa disposition des édifices cultuels chrétiens dédiés à l’empereur sous le terme de basilique, orienté dans l’axe solaire pour perpétuer le culte solaire et pouvant également développer un culte aux saints et aux reliques à la manière antique. La doctrine de Balaam va devenir celle de l’évêque de Rome qui va la diffuser dans tout l’Empire.

Le culte des saints et des reliques.


Le culte des saints et des reliques n’était pas directement le fait de Constantin, cela existait déjà au paravent, mais d’une manière plus discrète et locale. Ces cultes furent le prolongement d’une pratique qui est née assez tôt avec le martyr des apôtres et sera développée pendant le temps des persécutions. Quand dans l’Église persécutée un membre éminent ou aimé était mort en martyr, on récupérait le corps discrètement et on l’enterrait près ou directement de l’endroit où s’effectuait le culte clandestinement. En agissant ainsi on ne rendait pas directement un culte aux morts, mais on les honorait tout en gardant et chérissant le souvenir de ceux que l’on avait tant aimés. On peut facilement comprendre cela quand on perd un être cher. Mais la chose va dangereusement dériver au fil du temps. Ainsi, quand les premiers édifices d’ampleur vont être construits, les restes des « saints » y seront intégrés de manière systématique. Comme on pense d'une part que le corps des martyrs a été habité par le Saint Esprit, et d'autre part qu'il est appelé à ressusciter corporellement au Jour du Jugement dernier, on considère qu'il est profitable de prier, puis de se faire enterrer à proximité de ces corps privilégiés pour tirer parti de la communion des saints.

À partir du IVe siècle, des martyria construits en dehors des villes puis dans les centres urbains abritent des reliquaires ou des monuments dédiés, les memoriae funéraires, nécessaires suite à la translation et la division des reliques, car le nombre des martyrs diminuait après la conversion de Constantin et la christianisation de l'Empire. C’est sur ces martyria qu’on construira les futures églises. Le troisième Concile de Carthage en 397 ira plus loin en autorisant la coutume de construire des autels sur les corps des martyrs, ou d'enclore la place où ils avaient souffert. Le troisième concile de Constantinople ordonne de démolir tous les autels qui n'ont pas été édifiés sur ces tombes. Face à la multiplication sauvage d'autels, le quatrième Concile de Carthage en 401 prend une position inverse, car on déterrait les restes des martyrs pour en faire des reliques sur lesquels étaient construits ces autels. La dérive on le voit, s’accélère de plus en plus pour s’éloigner totalement des pratiques apostoliques des origines. La séparation d’avec le judaïsme, a permis de considérer ce qui était comme impur avant (le corps d’un mort), comme une chose sainte (les ossements d’un mort). Toutes ces pratiques tournent résolument le dos à tout ce qu’enseigne la Bible et n’ont absolument rien de chrétien dans son fond. Associés à la mode des processions qui sont des pratiques païennes courantes, la religion chrétienne va de plus en plus s’éloigner de ce qui fut sa forme première.

Martyrium de l'église Saint-Étienne-le-Rond à Rome
À partir du Ve siècle en Afrique du Nord et du VIe siècle en Gaule, on produira de petits reliquaires sarcophages accessibles qui sont placés dans ou sous l'autel. Puis les reliquaires sont scellés dans une niche (le loculus) à l'intérieur même de l'autel. La châsse hermétique et scellée, n'est ouverte qu'en de très rares occasions en présence d'un évêque, de sorte que la présence invisible du saint reste quelque peu abstraite et impalpable (de nos jours, elles sont parfaitement visibles à travers le reliquaire et exposées dans les églises catholiques). Le culte des saints succède alors au culte des martyrs au Moyen Âge. Le deuxième concile de Nicée en 787 affirme la nécessité de vénérer les images et les reliques. Puisqu'il fallait donner la preuve que l'église possédait réellement ces objets de vénération, dès le haut Moyen Âge on a trace de processions, lors desquelles la présence des reliques et leur fonction protectrice de la communauté étaient ritualisées. Arrivé à ce stade, l’Eglise ne représente plus le corps du Christ, mais  a rejoint dans ses fondements ce qui fit le paganisme antique et qui est appelé Babylone dans l’Apocalypse.

lundi 9 décembre 2013

L'âge de l'Eglise de Pergame 4

L’Eglise se réorganise sous Constantin.

Cependant, malgré les ambiguïtés politico-religieuses de Constantin, un virage essentiel s’opéra rapidement dès son arrivée au pouvoir. Constantin fait restituer à toutes les Églises les bâtiments et les biens confisqués lors de la persécution de 303 sans indemnités pour ceux qui les occupaient désormais. Il distribue généreusement dès 313 l'argent et les terrains, à Rome et en Afrique notamment. Il accorde surtout à l'Église des privilèges juridiques que le clergé et les temples païens n'ont jamais eus : en 321, le droit de recevoir des legs même si les testaments n'étaient pas faits selon les règles ; en 318 le droit de juger les clercs dans des tribunaux d'Église indépendants ; en 316 le droit de valider des affranchissements d'esclaves, ce qui jusque-là, en dehors des affranchissements par testament, ne pouvait être fait que devant un magistrat romain. Il reconnaît donc les tribunaux épiscopaux et fait du dimanche (jour du soleil païen) un jour férié obligatoire en 321, à l'exception des travaux des champs. L’empereur accorde également des dons en argent et en terrains à l'Église, soutenant la construction d'églises ou de grandes basiliques, comme la Basilique Saint-Jean-de-Latran, celle de Saint-Pierre de Rome, Sainte-Sophie de Constantinople ou du Saint-Sépulcre de Jérusalem.

À partir de maintenant, tous les éléments sont en place pour que les conseils de Balaam à Balaq deviennent une doctrine qui va se répandre dans l’empire de Constantin. La persécution de Dioclétien ayant décimé les chrétiens les plus purs et fervents, notamment parmi les dirigeants, ceux qui restaient à la sortie de la persécution étaient soit des tièdes, soit des jeunes presbytres inexpérimentés. Ce troupeau sans véritable berger va donc suivre le loup qui leur fait don de tant de grâce. Imaginez, privé de tout pendant près de 10 ans, ils se retrouvent inondés de biens et de pouvoirs nouveaux qui arrivent de manière quasi providentielle. Cela ne pouvait être que le résultat de la réponse de tant de prières et de supplications. La preuve que Dieu est vainqueur de toutes choses et de tous royaumes. En plus Constantin fera fermer les temples païens en confisquant leurs biens pour la construction de sa nouvelle capitale, Constantinople. Que du bonheur.

Il fallait être bien naïf pour croire que Satan allait lâcher prise tellement facilement. Après la persécution qui avait échoué, le diable passe à la séduction qui reste son meilleur atout. Et cela va fonctionner à merveille. La première des choses qui va révolutionner l’Église qui n’est alors constituée que par l’assemblée et constitue le nouveau temple de Dieu, c’est de construire des temples de pierres qui vont devenir des lieux sacrés. Désormais ce ne sera plus le lieu qui sera sanctifié par ceux qui y sont présents, mais l’inverse, car sera considéré comme saint celui qui sera présent au moment de la messe et participera à l’eucharistie.

Investi de pouvoirs nouveaux et d’un temple nouveau, l’évêque va développer une Église nouvelle. Deux tendances diamétralement opposées vont alors caractériser l'Église du IVe et du Ve siècle : d'un côté l'accroissement de sa richesse temporelle, de l'autre le développement du monachisme dont Martin de Tours sera l’exemple à suivre. Avec la sortie de la clandestinité, les richesses de l'Église deviennent reconnues et protégées et elles ne tardent pas à s'accroître par le jeu des legs comme l'attestent ses propriétés à la fin du Ve siècle en Italie, mais aussi dans tout le bassin méditerranéen. L'évêque ajoute à ses fonctions celui d'administrateur de biens. Le mouvement inverse qui consiste à fuir non seulement les richesses, mais aussi le monde. Les évêques accepteront ce que le Christ refusa pendant les jours de sa tentation dans le désert.

Au cours du IVe siècle vont se dégager les trois grands principes de l'organisation de l'Église nouvelle: séparation des clercs et des laïcs, puis formation d’un clergé séculier et régulier. Les doctrines de Balaam et des Nicolaïtes vont s’institutionnaliser au fil du temps et des conciles supervisés par les empereurs romains.

Vers l’unification dogmatique et hiérarchique.

Sous Constantin les Églises étaient encore indépendantes les unes des autres et chaque évêque maître en sa chapelle en quelque sorte. Cependant des courants de pensée différents comme les hérésies traversaient toutes ces Églises, ainsi que certaines pratiques comme la célébration des jours de fête ou la prise de la sainte cène, on a vu cela avec Polycarpe. Deux gros blocs vont progressivement émerger de cela, qui formeront l’Église d’Orient et d’Occident. Dans la partie orientale, les hérésies d’Arius trouvèrent un bon écho et se développaient rapidement. Dans la partie occidentale où l’évêque de Rome progressivement s’élevait en autorité comme successeur présumé de l’apôtre Pierre, on résistait encore bien à ces thèses divergentes.

L’empereur qui avait absolument besoin d’une Église unie pour asseoir sa domination, ne pouvait se satisfaire de toutes ces querelles dogmatiques dont il ne comprenait de surcroît rien du tout et le dépassait largement. Pour lui tout cela était secondaire et il convenait d’y remédier, en convoquant en réunions les évêques les plus importants pour trouver des compromis sur tous ces sujets de division. L’empereur comme pontife allant jusqu’à revendiquer pour lui-même une sorte de ministère de l’unité et de l’universalité ; ce n’est pas par hasard que Constantin voulut être appelé du titre d’”évêque” de l’extérieur et d’“égal aux Apôtres” et c’est à ce titre qu’il cherchera à résoudre les querelles théologiques avec des conciles d'évêques représentatif de toute l’Eglise (Rome 313, Arles 314, Nicée 325). Comme il n’y avait aucun chef d’une Eglise universelle, c’est l’empereur qui jouait le rôle d’arbitre entre les différents évêques et courant de pensées dogmatiques.

L’évêque de Rome Sylvestre, qui siégea de 314 à 335 et qui cherchait déjà comme ses prédécesseurs la primauté sur toutes les Églises, n’aura aucune influence sur ces synodes, ce qui confirme largement qu’il n’était pas encore reconnu comme supérieur aux autres. Lorsque Constantin convoqua le synode d'Arles pour décider sur la légitimité de l'accession de Cécilien au poste d'évêque de Carthage (en dépit du fait que l’évêque Miltiade s'était déjà prononcé avec un synode en sa faveur), l'empereur ne nomma pas Sylvestre pour le présider, mais Chrestus, évêque de Syracuse et Marius, évêque d'Arles. La notion de pape comme on la présente aujourd’hui, n’avait alors aucun sens. Sylvestre n'assista pas davantage au concile œcuménique convoqué lui aussi par Constantin qui se réunit à Nicée (Iznik) en 325. Ce Concile se mit d'accord sur un symbole commun à l'Église (une profession de foi unique) et condamna Arius qui enseignait que le Fils était de nature inférieure à celle du Père. Sylvestre y envoya cependant deux prêtres pour le représenter, mais on ne leur reconnut aucun droit de préséance. Ils apposèrent leur signature aux actes, avant les autres évêques, mais après Ossius, évêque de Cordoue en sa qualité de président de l'assemblée représentant l’empereur. Constantin montre bien au travers de ces synodes, son désir d'assurer à tout prix, par la conciliation ou la condamnation, l'unité de l'Église qu'il considère dès ce moment comme un rouage de l'État et l'un des principaux soutiens du pouvoir, et devient, ce faisant le véritable « président de l'Église » ou dit autrement, le premier pontife de l’Église. Ainsi se met en place, dès le règne de Constantin, ce qu'il est convenu d'appeler un césaropapisme, c'est-à-dire un régime comme l'a montré l'historien Gilbert Dagron, dans lequel les pouvoirs politique et religieux, bien que séparés, ne sont pas dissociables, car le détenteur du pouvoir politique, considéré comme désigné par Dieu, participe de la nature épiscopale et exerce son autorité sur l'Église. Si un pape devait être recherché en ce temps-là, ce ne pouvait être que Constantin lui-même, cependant cette dignité religieuse n’apparaitra que dans l’âge suivant avec l’effondrement de l’Eglise d’Orient.

Du fait de sa conversion, Constantin ne cherchera pas à affirmer une filiation divine. Il prétend plutôt avoir été investi par le dieu des chrétiens pour gouverner l'Empire. L'empereur agit comme un clerc dans sa manière d'exercer le pouvoir. À Constantinople, il construit son palais comme si c’était une église ; car il affirme avoir reçu une vision du Christ comme s’il était un apôtre, il porte d'ailleurs comme les empereurs à sa suite le titre d'isopostole, égal aux apôtres; c’est pour cela qu’il agit comme un évêque lors du Concile de Nicée convoqué par lui-même, mais il ne l’est pas. Constantin affirme qu'il est le représentant de Dieu sur la terre. En son intelligence se reflète l’intelligence suprême. Constantin affirme: «la providence divine agit de concert avec moi». En tant que représentant de Dieu sur Terre, ses décisions sont sacralisées. De ce fait, il lui paraît évident que les décisions religieuses relèvent de son autorité. Il s'entoure d'un faste incroyable pour exalter la grandeur de la fonction impériale. Désormais la romanité et la religion chrétienne sont liées. Eusèbe de Césarée, reprenant les thèses de Méliton de Sardes, élabore, à cette époque, la théologie de l'empire chrétien. Pour lui, l'unification politique a permis l'unification religieuse. L'empereur est dans ce cadre, le serviteur de Dieu et comme l'image de fils de Dieu, maître de l'univers. L'empereur reçoit aussi la mission de guide vers le salut et la foi chrétienne. Son intervention grandissante dans les questions religieuses se trouve ainsi légitimée ainsi que le césaropapisme.

Les évêques tentent pourtant dès le règne de Constantin et encore davantage sous ses successeurs de préserver l'Église contre les empiétements du pouvoir impérial, en particulier dans le domaine du dogme, et, d'autre part, de marquer que comme chrétien, l'empereur doit être soumis aux mêmes obligations morales et spirituelles que les autres fidèles. Cependant il faudra attendre la chute de l’empire pour que l’évêque de Rome gagne lentement en autorité. Au concile de Sardaigne (343), il est décidé que tout évêque déposé dans sa province (par un synode local) peut en appeler à l'évêque de Rome, ce qui sera un premier jalon vers une primauté dans les affaires de l'Église. L’évêque Damase (366-384) sera le premier à parler de siège apostolique et c'est lui qui poussera l'empereur Théodose à promulguer l'édit de 380 qui fait du christianisme la seule religion officielle de l'empire. Siricius (384-399) et Innocent (402-417) vont poser un début d'autorité théologique en écrivant des décrétales, lettres réponses aux questions posées par les évêques. Avec la dissolution progressive de l'Empire romain dans le chaos, l'Église apparaît de plus en plus comme la seule structure encore organisée de l'empire et l'on voit des évêques (comme Germain) négocier avec les barbares pour sauver leur province; Léon Ier le Grand (440-461) négocie la paix avec les Huns puis les Vandales pour sauver Rome. Il espère substituer la paix chrétienne à la paix romaine. C'est une idée émergente que le christianisme sera peut-être la seule survie de l'empire face aux déferlements barbares. Il est alors reconnu que l'évêque de Rome possède seul les pleins pouvoirs avec le soutien de l'empereur. Gélase Ier (492-496) inaugurera une théologie du pouvoir papal en reconnaissant deux autorités : celle spirituelle des évêques, et celle temporelle des princes qui lui est subordonnée.