http://schoenelblog2.blogspot.com/ Lettre à l'Epouse 2: Les enjeux du pontife romain au Brésil

mardi 23 juillet 2013

Les enjeux du pontife romain au Brésil

Au Brésil, plus grand pays catholique au monde, le pape va tenter de revigorer une Église affaiblie et déboussolée par la forte poussée des Eglises évangéliques pentecôtistes, omniprésentes et très actives dans les grandes villes et leurs périphéries déshéritées. Le souverain pontife va présider pendant une semaine les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) où sont attendus jusqu’à 1,5 million de pèlerins. Comme ce n’est pas le Saint-Esprit qui guide la grande prostituée, il convient de trouver les raisons politiques qui motivent ce voyage pontifical.


Les scandales à répétitions qui ont ébranlé l’Église catholique et conduisirent même à la démission de l’ancien chef de l’inquisition Benoit XIII, a nécessité une reprise en main encore plus énergique. La manière traditionnelle de l’inquisition ayant échoué, le nouveau souverain pontife jésuite va devoir apprendre aux sodomites et autres magouilleurs de la banque du Vatican habitués à flirter avec la Mafia, qu’il existe d’autres moyens et méthodes pour nettoyer les écuries d’Augias vaticanes. Couper les branches mortes visibles et étouffer efficacement les scandales avant qu’ils éclatent est devenu le souci premier des Jésuites qui forment l'une des armées secrètes du Pape les plus efficaces.

La grande prostituée doit impérativement se rhabiller et couvrir sa nudité habituelle pour paraître plus blanche que jamais, il y va de survie actuellement. Le jésuite argentin souhaite incarner "une Église pauvre pour les pauvres" et tenant un discours centré sur les inégalités sociales. Il faut impérativement effacer les images déplorables du passé où les papes vivent dans des palais entourés de prélats distants du peuple. Dès son premier discours il donne le ton : « Je n’ai ni or ni argent, mais je vous apporte ce qui m’a été donné de plus précieux : Jésus Christ ! Je viens en son Nom pour alimenter la flamme d’amour fraternel qui brûle dans chaque cœur »  

Tout va donc être organisé pour occuper l’espace médiatique par des actions symboliques et inopinées pour souligner la nouvelle orientation de façade de l’Église catholique. Le pape a souhaité parcourir dans une jeep découverte, et non à bord de sa papamobile blindée, les avenues du centre-ville après son arrivée à l'aéroport de Rio de Janeiro, lundi 22 juillet dans l'après-midi. Des lieux encore marqués par les violents affrontements des semaines passées entre les manifestants et les forces de l'ordre. Le pape préfère avoir un premier contact avec "le peuple brésilien" plutôt qu'avec ses représentants officiels, ont annoncé les organisateurs de la visite.


 Ce pape est poussé à prendre des risques et à s’exposer, car il n’a plus le choix, il doit améliorer son image, quitte à passer pour un martyr. Alors qu’il venait de quitter l’aéroport, le cortège s’est inopinément trompé de route, entraînant la voiture du Pape, une toute petite Fiat, dans une rue bondée, et provoquant au passage plusieurs mouvements de foule. D’autre part, des manifestants ont été dispersés par la police à Rio. Les services de sécurité doivent donc gérer la présence d'1,5 million de jeunes de 170 pays différents, des manifestations hostiles à l'Église et surtout un mouvement social de revendication de grande ampleur. Mais pourquoi agit-il de cette manière ?

Plus qu'un baptême du feu pour le pape François, ces JMJ revêtent en fait un enjeu considérable pour l'Église catholique. En effet, même si le Brésil reste le premier pays catholique du monde avec près de 123 millions de fidèles, la tendance est à la baisse et elle s’accélère sensiblement. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. La mutation économique du pays tout d'abord qui, malgré une croissance considérable ces dernières années, a laissé sur la carreau toute une frange de la population restée pauvre et exclue du système qui plus est avec une croissance qui a désormais tendance à s’essouffler. Les scandales politiques et financiers d'autres parts qui gangrènent un pays qui a choisi d'investir des milliards dans l'organisation de la Coupe du Monde de Football 2014 et des Jeux olympiques d'été 2016 plutôt que dans l'éducation et les services publics. La crise de confiance entre les dirigeants et le peuple a d'ailleurs été mise en lumière lors des récentes manifestations sans précédent au Brésil qui ont réuni des centaines de milliers de personnes à travers tout le pays. Crise religieuse enfin suite aux différents scandales qui ont entaché l’Église catholique.

Tous ces facteurs ont conduit les Brésiliens à se détourner progressivement de l'église traditionnelle pour se tourner vers les églises évangéliques. Ces dernières connaissent un essor considérable au Brésil et attirent de plus en plus les foules et de fidèles. D'ailleurs, certains membres de ces organismes religieux ont déjà entamé leur ascension politique et 61 d'entre eux siègent d'ailleurs déjà au parlement brésilien. L'Église évangélique congrégationnelle du Brésil, l’Église internationale de la Grâce de Dieu, et l’Église universelle du royaume de Dieu sont parmi les plus connues des églises évangéliques du Brésil qui trouvent l'essentiel de leurs adeptes dans la population la plus pauvre du pays. On dénombre d'ailleurs d’ores et déjà près de 40 millions de « pentecôtistes », la mouvance évangélique la plus importante, au Brésil. Le choix de Rio de Janeiro pour accueillir ces 14es JMJ paraît dès lors tout sauf un hasard. Officiellement, le pape François a choisi de mettre l’accent sur la pauvreté, la lutte contre les inégalités sociales et le rôle missionnaire des jeunes. Mais, en filigrane, c’est bien le mouvement évangélique que l’Église catholique cherche à freiner.

Le Vatican serait lui-même responsable de cette désaffection d’une partie de ces fidèles, selon François Mabille, professeur à l’université catholique de Lille et spécialiste de la curie romaine : « Les rapports entre le Vatican et les fidèles en Amérique latine ont été marqués ces quarante dernières années par le conflit et l’incompréhension. Rome n’a pas su accompagner le mouvement de la théologie de la libération. Rome s’est ainsi progressivement coupé d’une partie de sa base, d’une partie de la communauté des croyants  », décrit le chercheur.

La théologie de la libération, née en Amérique latine, a été développée par le théologien péruvien Gustavo Gutierrez Merino en 1968. Elle vise à rendre dignité et espoir aux pauvres et aux exclus. Le peuple se rassemble pour lire la Bible et y trouve son inspiration pour prendre en main son destin. Le mouvement s’organise ainsi autour des «  communautés de base » qui regroupent paysans, ouvriers, illettrés dans des cercles liturgiques indépendants.

Ces communautés interprètent librement l’évangile sans consultation de la hiérarchie catholique. Les prêtres issus de la théologie de la libération accompagnent alors ce mouvement et vivent au plus près des besoins matériels de ces populations pauvres. Les communautés se développent sur l’ensemble du continent. « Nous sommes dans les années 70 », explique François Mabille. « Les pays d’Amérique latine et centrale sont alors dirigés par des gouvernements dictatoriaux. L’idée que des pauvres décident d’un point de vue ecclésial de prendre en main leur destin constituait également une remise en cause politique et sociale de l’ordre établi. Le nouveau pape polonais Jean Paul II et son conseiller le cardinal Ratzinger, le futur Benoit XVI, ont condamné ce mouvement. Ils percevaient la théologie de la libération comme une porte d’entrée du communisme. Il s’agissait d’une vision très européenne, totalement détachée de la question sociale, importante en Amérique latine. » 

Gustavo Gutierrez, apôtre de la théologie de la libération est marginalisée. Les communautés de base, relais potentiels de l’action sociale de l’Église sont  alors systématiquement démantelées. Le ménage est fait dans la hiérarchie catholique sud-américaine au profit de figures très conservatrices comme l’archevêque Alfonso Lopez Trujillo de Medellin (Colombie).

Un virage est ainsi manqué. Les « communautés de base » représentaient une première expérience de fonctionnement beaucoup moins hiérarchisé de l’Église catholique. « Avec l’arrivée de la démocratie à partir du milieu des années 80 sur le continent, toute forme hiérarchique est rapidement associée à l’ancien ordre pour de nombreux fidèles », selon Sébastien Fath, historien spécialiste du protestantisme évangélique. « Le fonctionnement ancien où Rome décide et transmet ses ordres aux Évêques et aux prêtres ne prend plus.  Le discours sur la contraception,  l’avortement, le célibat des prêtres ou la place de la femme dans l’Église n’a plus de prise ».

Il ne donc pas s’étonner si le nombre de catholiques ne cesse de reculer au Brésil depuis 30 ans au bénéfice des Églises évangéliques. Les catholiques représentaient 64,6% de la population brésilienne en 2010 contre 91,8% en 1970, alors que les Églises évangéliques sont passées de 5,2% à 22,2% (42 millions) selon le dernier recensement de 2010. Mais selon un sondage publié lundi, le déclin est encore plus fort chez les jeunes dont seulement 44,2% se déclarent catholiques et 37,6%  évangéliques.

L’Église catholique s’étant désintéressée des pauvres, les églises évangéliques ont commencé à se multiplier dans les quartiers défavorisés et les favelas. Délaissés par les prêtres, les pasteurs beaucoup plus proches d’eux et accompagnés de leurs femmes qui les soutiennent et ayant également un discours plus simple basé sur un évangélisme plus biblique, ont très rapidement prospéré au milieu de ce terreau fertile. Depuis le début des années 1980, l'Église catholique aurait perdu un quart de ses fidèles au Brésil alors que l'Église universelle du royaume de Dieu (EURD) y compterait, elle, 5 millions de fidèles et 6 à 8 millions dans le monde.

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